Retrochronics, par l’Inspecteur Harensky :
La production musicale actuelle, pléthorique, nous plonge dans un flot incessant de nouveautés faisant qu’on passe souvent à côté de sorties essentielles. Certaines œuvres, aussi, ne prennent leur saveur que dans le temps. À l’heure où tout s’accélère, où le mélomane est pris dans un tourbillon incessant de nouvelles productions, il me semble essentiel de regarder en arrière et de prendre le temps de (re)découvrir certains albums ou artistes qui méritent mieux que de finir en compost, recouvert quotidiennement par la frénésie créatrice.
Ces chroniques anachroniques au format court n’ont pas vocation à entrer dans le détail -s’agissant le plus souvent de sorties déjà commentées-, mais plutôt à mettre le doigt sur un album, un artiste ou un label, depuis déjà relégués au rang de vieilleries. Mais après tout, si vous ne l’aviez pas déjà entendu, c’est que c’est nouveau pour vous, non ? Et si vous le connaissiez déjà, peut-être n’avez vous pas pris la peine de bien l’écouter ? Internet et votre curiosité feront le reste.
Ceux qui me connaissent bien, en principe, savent de qui je parle. Sa musique tourne pas mal en boucle sur mon ordi et mes platines depuis quelques temps déjà. Avant ça, je connaissais un peu de nom et de loin Señor Coconut, mais c'est vraiment avec son album Light Music, sous le pseudonyme Erik Satin, que j'ai commencé à plonger dedans, à m'y intéresser de plus près. Et là, BIM, grâce à Discogs, je découvre l'étendue du truc. Une production musicale étalée sur plus d'une vingtaine d'années, au travers d'une cinquantaine de pseudonymes différents. Si certains de ses avatars ne sont que des prête-noms temporaires, le temps d'un morceau ou d'un album - lubies ponctuelles qui parsèment son parcours - , d'autres s'inscrivent sur la durée et développent leur propre tendance. Atom™ ou Atom Heart pour la techno ou l'ambient, Señor Coconut pour les réinterprétations latinos, The Lisa Carbon Trio comme point de fusion entre les deux, pour ne citer que les plus connus, ainsi qu'une foultitude de petits projets satellites.
Attendez-vous à être trimbalés sur un spectre large, allant de l'easy listening aux expérimentations les plus loufoques. Avec souvent une touche d'humour ou de causticité bienvenus (MP3 - Moral Poverty Three, Message to the Consumer, etc.), Uwe se joue des étiquettes et nous prend par surprise, gommant les frontières entre l'électronique et l'acoustique, sampler sous le bras, bimbo latine sous l'autre. Reprendre, par exemple, les classiques de Kraftwerk sur des trames cumbia, merengue ou cha-cha-chá, j'ai trouvé ça osé. Et en même temps, lorsqu'on sait de lui qu'il est Allemand, exilé à Santiago du Chili, on comprend mieux toute la symbolique de la démarche. Et surtout, on comprend pourquoi sa musique est à la fois si allemande et si latine. Cette ambivalence lui vaut d'ailleurs d'être régulièrement sollicité pour des remixes (Depeche Mode, Martin L. Gore, Cesaria Evora, Merzbow, Jamie Lidell, Plaid, etc.). Et, comme si ça suffisait pas, Schmidt gère son propre label, Rather Interesting, s'occupe lui-même de la création des pochettes de ses albums, sort vos poubelles et recoud vos slips troués. Non bon peut-être pas les deux derniers. Ça ne m'empêche pas de penser que ce gars a une parenté certaine avec Vishnou... En tous cas, vous voilà bien occupés pour les semaines et les mois à venir. Pour ma part, je n'ai pas encore exploré toute son immense discographie. Mais je continue, encore et encore...
Quelques extraits :
Une enquête rétro-musicale menée par l'Inspecteur Harensky
Uwe Schmidt sur Discogs : http://www.discogs.com/artist/Uwe+Schmidt
Page Wikipédia (EN) : http://en.wikipedia.org/wiki/Uwe_Schmidt
Señor Coconut : http://www.senor-coconut.com/
Atom™ : http://www.atom-tm.com/