Journal d’une Dj, nouvelle XXB, mai 1995

Temps de lecture: 3 min

 

Happy Birthday

 

19 ans, pensées lyriques et absurdes… puis lent retournement de situation.

Je me retrouvais à errer entre le son, la cabane et un feu gigantesque, où chacun regardait sa propre flamme, écho de nos rêves en pleine combustion. Elle embrasait des papiers, des cartons et bouts de bois que je voyais humides, puis elle venait s'élancer jusqu'au ciel pour venir embrasser le peu d'étoiles encore visibles et mourir en étincelles.


J'étais seule : chacun était parti pour ne plus réapparaître… Je m'étais peut-être moi-même isolée, en invitant comme seule et unique compagne, la démence qui peu à peu transformait chacune de mes pensées en notions aussi abstraites qu'indicibles…

Ma place n'était nulle part, ni avec personne.

Je crois que je n'aimais pas la musique.

Peut-être en avais-je trop pris ?!

De cadeau en cadeau du fait de mon anniversaire, j'avais déjà avalé une pochette d'ecxtas écrasés, grosso-modo deux, peut-être trois, au minimum deux acides et encore quelques moitiés offertes par ci par là. Du très grand n'importe quoi !

…Jusqu'ici j'avais l'impression que « ça allait. »

Et une pensée parmi 3 milliards réussit à faire surface en claquant toutes les autres : « J'en ai trop pris ! »

Transformée en raveuse de l'espace, toute frêle sur mes jambes de mouche, toute tremblante, toute honteuse, les yeux comme des billes fuyantes, je me mis à errer. Créature malhabile, OVNI auto-exclu, je contournais des bosses mouillées peu probables et évitais toute forme anthropomorphe, de peur de devoir m'immiscer dans la mésaventure d'un dialogue douteux. Non pas que je craignais d'être dévoilée : mais l'altérité m'effrayait.

J'avançais. Puis les affaires que j'avais en main se métamorphosèrent subitement en quelque chose d'aussi mystérieux qu'exogène : « mais qu'est-ce que c'est qu'ça ?! »

Une heure après, peut-être deux –ou peut-être seulement 10 minutes plus tard–, je m'assis sur une enceinte posée à l'horizontale. Ridicule, j'attendais dans le noir, tournée vers le feu qui crépitait au loin. Qu'est-ce que j'attendais ? Rien. J'étais réduite à un simple système organique, c'était mon corps qui était assis là, pas moi.

Puis soudain, choc complètement débile : l'once d'humanité qui sommeillait en moi me fit réaliser que mes petites lunettes rondes et mon petit pull que je serrais contre moi avaient été lâchement abandonnés.
Alors je décidai de faire le tour de la rave. Il n'y avait pas beaucoup de lumières, l'espace était vaste, et j'avais l'impression de me casser la gueule à chaque fois que je posais le pied par terre. Je fis un tour, deux tours, et ainsi de suite jusqu'au petit matin.
Fatiguée et lasse, et n'ayant toujours rien trouvé, je me rassis là où je m'étais posée des heures auparavant : mon enceinte. Je regardais un peu autour de moi, l'horizon était bleu marine et la teuf s'était bien vidée. Je baissai machinalement les yeux, et là, dans la lueur de l'aurore indécise, sur quoi suis-je tombée ?

Mes lunettes et mon pull !

Des lettres en suspension, des idées accrochées comme des boules de sapin, le feu presque éteint, ma peur, l’enceinte allongée, mes 19 ans, des lunettes inutiles, le rien, l’évanescence de tout mon être… Quel était donc le principe de tout cela ?! Je posai mon regard fou et absurde sur le noir fuyant. Ridicule, la nuit se mit à courir plus vite, emportant avec elle le néant des kilomètres que j'avais parcourus.

Plus tard en plein jour je me retrouvai seule, debout au milieu de rien ni personne, les collants troués, de la boue plein les grolles, une coupe de folle, et j'avais froid.

 

 

 

Nafsika

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