See Real : CONCRETE JUNGLE

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CONCRETE JUNGLE

 

La vie concrète, déclic, le bitume sans secret, la vie asphalte, sans poser de questions ni plus ni moins que c’est combien et, y a-t-il oui ou non une garantie sur ce type de produit ?/ la vie concrète de tous les jours/ la vie concrète que tu concrétises à chaque instant/ se lever le matin, prendre une douche minutée, un café et tout le reste/ tout ce reste que tu n’as pas choisi/ cette vie /cette vie qui t’aveugle/ dans la position, dans l’ordonnancement quotidien de la Grande Cécité Organisée/ cette vie qui te bousille les yeux/ tu goûtes tes larmes à défaut de les observer, dégoulinées saignantes/ dionée que tu es/ les affres du ciel n’entame en rien la régularité orchestrée/ l’employé va au bureau/ l’employé est en week-end sur les routes/ l’employé part en vacances/ bref l’employé s’emploie à faire son emploi/ et l’employé est insomniaque, stressé, angoissé et paranoïaque/ la vie concrète efface les rêves, tes rêves se sont effacés pas à pas dans le Grand Crédit Journalier/ la vie concrète, le bitume sans secret, c’est ça : morne quotidien sous un ciel gris, les épaules affaissées, les maux de dos et les mots que tu n’écris plus, puisque le soir tu n’es qu’un terminal physique épuisé. Bientôt périmé. La vie concrète noie les rêves. Tu as trop faim pour pouvoir t’imaginer un jour sans argent. Résigné. Consommé. L’humain résilié à la vie d’asphalte lisse n’est plus qu’ombre et projection/ il a noyé dans la lumière des supermarchés ses illusions.

Visuel par Cumbone (Cliquer pour agrandir)

Complètement barré le code ! s’esclaffe la caissière dans l’atmosphère blafarde aux néons batterie, un cafard luisant court entre les rangs des caddies stoppés, une petite fille s’enfonce profond un doigt dans le nez. La vie concrète c’est la queue volontaire aux nouvelles caisses sans caissières. Exemple. C’est aussi le chèque que tu endosses, le chèque pour lequel avant tu te déplaçais à la banque et pour lequel tu faisais la queue dans le parfum bon marché derrière la ligne de confidentialité. La vie concrète c’est aujourd’hui le guichetier faisant office de portier dans chaque banque. La vie concrète dans la jungle urbaine ce sont toutes ces banques autocollant placardé en gros sur la porte d’entrée en verre NOUS NE DISPOSONS PAS D’ESPECES ; la vie béton est compacte dis, la vie concrète est dure du disque.

Petit, les murs en ciment griffaient de lignes blanches mes bras nus – aujourd’hui les lignes m’arrachent le pif parce que les coupes à la silice ou aux microbilles sont de vraies saloperies.

J’ai vu un type dans la rue qui avait un code-barre tatoué sur la nuque, c’est à noter dans les annales comme l’anus Cohiba vole le week-end à la bouche des bureaucrates en polo Ralph Lauren. Entre nous, on a réussi sa vie si à cinquante ans, on a un truc ostensiblement cher au poignet, à la main ou au doigt disait un pingouin blême en revue, l’autre matin.

Les rivières sont asséchées d’être asséchées. Feu ! La cité des anges est un mensonge, nous l’apprenons chaque jour nase Télévisé (et celle de la joie est perdue à perpét’) – illusions en toile de fin fond, les pompiers pimpon étaient pourtant prévenus ; l’amante esseulée envie ainsi la mante au bout mortifère. Chimère. Les lianes torchères de la jungle urbaine enserrent ses ouailles. On a retrouvé son portable éclaté en bas de l’escalier. La vie concrète s’achève souvent bien abjecte. A la roulette.

La vie concrète est une lente dégringolade dans le giron de l’hypocrisie où le Soma local n’est que le progrès dernier cri. La vie béton venelles sous surveillance est un long dévissage in progress. La vie concrète, c’est la tentative d’oubli de cette chute libre vers une boîte plus ou moins grande. La vie concrète soumise à ta seule accélération ne te lâchera guère les guêtres. Il est plus facile d’être hypocrite. Ou de se vouer à la folie. La vie concrète est une mangeuse d’âmes.

La vie est une jungle concrète dont la chute, à cause des arêtes dans les plis, esquisse une lente déchirure à nu, fuyant au centre d’yeux avides, point d’orgue rapetissant dans l’allée centrale vers l’autel. La vie concrète mange.
Peau morte, boursouflure, furoncle, hémorroïdes, rognures. Tu sèmes à tout vent les poussières de l’obscurcissement planétaire – décharge, la vie concrète n’est qu’un ramassis de factures tickets numéros (j’ai lu aussi que certains ont interprété la bible par les nombres). Les bouts de toi que tu lâches dans cette vie concrète ne sont pas ceux que tu voulais, ce que tu voulais lorsque la clarté et la chaleur pouvaient encore passer entre les nuages. Aujourd’hui, les nuages font miroir. La lumière passe avec difficulté. Les fleurs fanent sur la table du salon mais tu es déjà en retard. La vie concrète est la vie concrète. Ce que tu voulais n’a rien à voir avec ce qui se passe réellement, ici et maintenant. Il faut l’admettre. La vie concrète te mange.

Visuel par Cumbone

 

Et allez, en poussant un peu, la vie concrète t’a mangé. Déclic. T’as déjà mangé. C’est fini pour toi. Tu es bouffé, digéré. Tu es irrécupérable. Formaté, spécialisé. Tu viens d’arrêter de fumer. Et tu cours chaque jour. L’exécutant d’un dogme citoyen dans une brousse bétonnée de phases terminales et de Botox. Tu es celui qui respecte le 50 du panneau et si on te colle trop près, tu pointes le panneau du doigt. Le client mystère de chaque magasin. Agent social. Collabo. Délateur. Les sucs de la vie concrète t’ont dissous. Tu as sûrement oublié que tu avais une âme. Et qu’on ne respire pas avec les poumons, mais avec le ventre.

La vie concrète s’agite dehors, sous mes yeux.
Et il pleut.

Je mets un disque.

 

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2 commentaires sur “See Real : CONCRETE JUNGLE

  1. Mais oui bien sur : voici l'histoire très connue aussi sur fb, du mec qui prend l'autoroute et qui aperçoit un gars qui roule à contresens...et puis un autre, et puis un autre, et puis ...c'est dangereux de se placer ainsi tout en haut de la montagne façon Zarathoustra ! Moi ça me révolte de ce placer là, c'est juste un discours vaniteux !

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