Yourte en péril : un forage pour le maraîchage

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— Petite présentation, qui êtes-vous ?

Je m’appelle Albin, 33ans, je vis sur mon terrain avec ma femme Marion, 29 ans et notre fils de 4mois, Lohan. Nous sommes installés depuis trois ans sur ce terrain pour mettre en place une surface de culture bio et nous avons installé notre yourte il y a huit mois.

 

— Avant d’être en yourte, vous faisiez quoi ?

Nous nous sommes rencontrés jeunes, au lycée et on a très vite fait le choix de vivre sur les routes au rythme des saisons agricoles, des free-party et autres fiestas… Comme beaucoup on a passé nos premières années dans un petit C35 sans électricité avec un aménagement sommaire, avec Vrille le fidèle compagnon. On a roulé pendant dix ans avec trois camions au compteur, de nombreuses saisons et soirées dans les pattes, quelques animaux en plus et un paquet de belle rencontres. Enfin, une petite vie de tranquilles agités quoi !

 

— Pourquoi avoir voulu vous poser et faire du maraîchage ?

Ben, à force de bosser pour les autres, on s'est dit que ça serait cool d'avoir notre propre production et aussi l'envie d'avoir un chez nous pour poser le camion sans que personne nous dise de bouger. Le pourquoi du maraîchage est une bonne question, en fait je pense que pour nous ça représente un pas de plus vers l'autarcie et travailler auprès de la terre nous plaît bien.
Dans une société telle que la notre (et même dans le monde d'aujourd'hui) il faut revenir à une agriculture simple et favoriser les circuits courts.

 

— Qu'est ce qui pousse dans votre jardin et comment vous vous y prenez ?

On cultive des légumes de saisons, quelques petits fruits (fraises, framboises, groseilles, cassis) et des aromatiques.
Au printemps et en été, on produit pas mal de légumes fruits : tomates, concombres, melons, pastèques, aubergines, piments, poivrons, pépinos, physalis, haricots, petits pois, etc.
En légume racine et feuille, on cultive beaucoup de carottes et salades qui poussent bien dans notre terre sableuse mais aussi des betterave, des patates, des topinambours, des radis au printemps et un peu de poireaux, endives, choux chinois et épinards pour l'hiver.
Selon le légume et la période de semis, on sème soit en pleine terre, soit en motte de terreau que l'on repique plus tard. On travaille en phase avec les cycles lunaires, enfin on essai au maximum car il y a une réelle incidence sur le développement des plantes. Ensuite la grande partie de notre boulot, c'est l'entretien des parcelles, beaucoup de désherbage et notre plus grosse difficulté : l'arrosage. On fonctionne pour l'instant avec une pompe thermique qui tire dans notre marre et des cuves disposées dans les parcelles. Ce système n'est pas très performant, une installation sur un forage changerait tout.

 

— Une journée type sur le terrain, ça donne quoi ?

On commence toujours par faire le tour des animaux, ce qui prend déjà un bon bout de temps. Ensuite la journée s'organise entre ce qu'on avait prévu la semaine précédente et ce qu'on observe le jour même, et qui nous semble urgent. Le temps et les températures sont des facteurs qui rentrent aussi en jeu. Il y a en général sur une journée du désherbage, binage, entretien de plants (égourmander, tailler, éclaircir), la préparation des prochaines parcelles à cultiver et les récoltes pour la préparation du marché.
En fin de journée, la levée des œufs et l'arrosage pour rafraîchir le tout !

— Si vous aviez des conseils à donner à toutes celles et ceux qui souhaitent tenter l'expérience ?

Déjà, si c'est ce qui vous tient à cœur, soyez courageux, devenir jardinier-maraîcher prend du temps mais le monde va avoir de plus en plus besoin comme ça.
Ensuite, bien réfléchir aux objectifs que vous vous fixez, trouver le terrain adapté, présenter le projet à la commune pour éviter les mauvaises surprises et commencer petit pour agrandir ensuite si ça tourne.
Se faire certifier bio avant de démarrer les cultures évitera le passage par les deux années de conversion et une bonne évaluation du système d'arrosage à mettre en place est primordial pour la réussite.

 

— Niveau animaux, vous en avez pas mal, vous pouvez les présenter ?

Ouais, on est bien accompagné ! Il  y a nos compagnons de route, que nous avions en camion : les trois chiens Vrille, Arsouille et Elfie et les deux chats Sweet et Bouddha. On croirait pas mais ils jouent tous un rôle au terrain, les chiens tiennent les renards à distance et les chats limitent carrément les invasions de souris, mulots et autres rongeurs.
On a aussi un élevage d'environ 20 poules pour nos œufs et sûrement la vente à venir et un élevage de poulets pour notre consommation.
Nos canards de Barbarie nous tiennent bien compagnie, on profite des œufs et ils évitent l'invasion de lentilles d'eau sur la marre. Les carpes Koï, c'est mon petit plaisir, juste pour les yeux. Celui de ma femme, ses oiseaux.
Nos deux biquettes ont été les bienvenues quand des potes on pris la route pour quelques années, on va dire que c'est du gardiennage à long terme. On fera un petit chevreau pour le printemps et on pourra peut être continuer de la traire après le sevrage du petit.

 

— De nouveaux colocataires en vue ?

Pour ma part, je me contenterai de ça pour l'instant ou peut être quelques lapins, toujours dans l'optique d'être autosuffisant, mais ce sont des animaux fragile, l'élevage est un peu délicat ; il faudra s'orienter vers une race adaptée au climat de notre région comme le “Fauve de Bourgogne".
Ma femme se laisserait bien tenter par un âne type Bourbonnais pour sa capacité et son efficacité dans les travaux en champ et aussi pour notre gamin qui se fera un plaisir de partir en aventure avec lui. Mais, là aussi, on va prendre le temps car un âne prêt pour le travail coûte cher, il lui faut de la place et s'assurer de son bien-être pour de longues années.

 

— Concernant la yourte, pas trop d'inconvénients, notamment niveau droit/administration ?

Alors ça c'est la question qui pique! Justement si, c'est un peu compliqué. Avec la venue du bébé et comme notre projet commence à prendre forme, on s'est dit qu'une yourte correspondait à nos principes, nos choix de vie. Mais notre terrain est une terre agricole et comme une yourte est considérée comme habitation, elle nécessite un permis de construire qui ne sera délivré que si on viabilise notre terrain. Du coup c'est l'angoisse car étant très éloigné des réseaux et ne souhaitant pas y être raccordé, on tente d'emprunter des voies parallèles. Le solaire pour l’électricité nous suffit et on espère que la réalisation d'un forage pour nos cultures pourra justifier d'un apport suffisant en eau et ainsi nous permettre d’obtenir l’accord pour le permis de construire.

— Vous avez le terrain, l'électricité, ne reste plus que l'eau et vous êtes autonomes !

Oui, dit comme ça, c'est vrai qu'on se dit que le but est atteint. Mais tous ces travaux que l'on envisage sont coûteux et face à l’urgence de la situation nous avons mis en place un projet de crowdfunding. Parce que c'est l'obligation de démonter et l'expulsion qui nous guettent d'ici quelques mois, ce qui veut dire l'abandon de notre projet professionnel.
On tient à remercier toutes les personnes qui nous soutiennent déjà et particulièrement l'artiste Jigé, un bon pote qui croit en nous depuis le début. Il a géré toute la partie technique de la campagne sur le net (site, Facebook, Ulule), il offre ses talents dans les contreparties du crowdfunding et franchement c’est pour nous un précieux soutien quand l'envie de tout lâcher et de repartir nous guette.
Le projet Ulule a débuté il y a un mois, la collecte avance bien, nous gardons espoir et c'est super de voir que des gens se mobilisent par solidarité et pour sauvegarder la petite agriculture et le libre choix de vie.

 

— Comment voyez vous la manière dont on pratique l'agriculture aujourd'hui ?

Je pense qu'on atteint un point de non retour ; l’expansion des cultures intensives, monocultures et OGM, l'utilisation démesurée de produits toxiques, tout ça mixé avec des histoires de pognon et nous voilà avec des terres stériles pour des années et des agriculteurs pris dans l'engrenage. Car le retour en arrière va être très compliqué, même si on sent que les nouvelles générations sont réceptives à l'urgence de la situation, le mal est fait.
Mais il y a de l'espoir, on voit un peu plus tout les jours des projets naître pour favoriser ce retour à l'agriculture de proximité et bio, je crois d’ailleurs qu'on en est un exemple.

 

— Un avis sur les récentes manifestations des éleveurs et producteurs de lait ?

Bon, pas vraiment si ce n'est que ça confirme ce que j'ai dit plus tôt. Malgré la légitimité de leur revendication, ils sont pris au piège dans l’engrenage d'une société de consommation qui fonctionne à coup de gros contrat ; ça me donne l’impression qu'ils sont manipulés…

 

— Merci à vous, on vous souhaite de réussir à atteindre le but sur Ulule et de continuer à développer local ! Un mot pour la fin ?

Carrément ! Merci à vous pour le coup de pouce, à toutes celles et ceux qui se sentent concernés par l'avenir de notre environnement, la production des légumes que nous consommons, la qualité de notre hygiène alimentaire et notre façon de consommer, j’entends par là accepter de ne pas avoir de tomates au mois de novembre, limiter sérieusement les produits du bout du monde, acheter près de chez soi autant que nous pouvons. Et bien sûr, n'hésitez pas à partager notre projet auprès de votre entourage, sur la toile et contribuez si vos moyens vous le permettent.

Depuis la réalisation de cette ITW le projet a atteint les 100%, il reste encore un peu de temps avant la fin de la collecte. Dorénavant, le bonus récolté servira à investir dans des bâches pour les nouvelles serres et du matériel d’irrigation supplémentaire.


 Pour en découvrir davantage :

www.la-yourte.com
Page Facebook
Projet Ulule

 


 

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