Je vous présente ma révérence, estimées lectrices, honorés lecteurs !
Hier soir, alors que je cherchais mon sémillant bonnet vert à pois violets et pompon assorti, j’eus le malheur de constater une situation horrifique : mon placard était empli de mythes !
…
Non ? Mite Vs mythe ? Pas même un sourire ? Ah ! je vous reconnais bien là. Il vous faudra plus qu’un bancal jeu de mot pour vous redonner la joie de vivre. Alors avec préambule mais sans circonspection, j’entame mes digressions du jour sur le thème : « D’une interprétation libre et moderne de mythes antiques. »
Tantale, Sisyphe, les Danaïdes ? Ces noms éveillent-ils en vous quelque souvenance ? oué, j’imagine. Sinon, rouvrez vos livres de contes et légendes grecs… ça manque à votre culture. Ainsi, après avoir mis en doute cette dernière, je peux maintenant développer. Soyez rassurés, vous connaîtrez à la fin tout ce qu’il y a savoir sur le sujet.
Je brocarde, mais la plupart du temps, on se rappellera peut-être de leur nom, à peine de leur supplice, et encore moins de pourquoi on le leur inflige.
Sisyphe par exemple, il est plutôt connu : En guise de supplice, il trimballe un rocher de bon gabarit pour le placer au sommet d’une montagne. Il en chie, il en crève, il pousse, il traîne et il tire, il en sue et il en saigne. Et une fois arrivé là-haut, Kess-y fait son rocher ? Ben il tombe, parce qu’il est un peu con Sisyphe, et qu’il ne pense même pas à emmener de quoi le caler. Alors, il recommence à chaque fois. Éternellement.
« Et pourquoi il fait ça le con ? » me demanderez-vous avec entrain.
Ben, faut dire qu’il a foutu Zeus en rogne. Contre une source qui ne tarirait jamais, il révèle à Asopos où se trouve sa fille que le dieu a enlevée pour assouvir ses pulsions sexuelles. Alors ce ronchon de Zeus envoie thanatos le gourmander pour sa délation. Le génie de la mort est un con lui aussi et il se fait piéger par Sisyphe au fond d’un sac. Plus personne ne meurt et c’est le boxon en contrées hellènes. Zeus en appelle à Hadès, le dieu des enfers, qui libère le con (thanatos) et condamne le con (Sisyphe) dans les Tartares (oui, au milieu de tonnes et de tonnes de viande de bœuf crue).
Tâtons maintenant les tourments et tentations de Tantale.
Un jour, le dieu des dieux, Zeus tout puissant, se promenait gaiement dans les collines phrygiennes à la recherche d’une vierge effarouchée, lorsqu’il rencontra, au détour d’un chemin, Tantale, le roi des alentours. Espiègle, l’homme l’apostropha :
« Yo, Dzeus ! Ta mère suce toujours des ours en enfer, ou bien ? »
Zeus ne goûta guère cette hasardeuse remarque sur sa maternelle, une titanide de bonne famille que rien ne permettait de conspuer de la sorte et qui n’avait jamais usé de fellation sur quelque ursidé que ce soit. Il décida donc d’agir.
Une obscure histoire d’épaule d’enfant grignotée plus tard, la déité s’en trouva encore moins jouasse et exila Tantale au Tartare. La plus profonde des terres infernales commençait à devenir fort encombrée, mais n’est-ce pas le lot de nombreuses prisons ?
Le supplice de Tantale est bien simple : il se penche sur la rivière, l’eau facétieuse se défile ; il essaye d’attraper des fruits, le vent fripon repousse les branches hors de portée. Et ce n’est pas tout : telle l’épée de Damoclès, un énorme rocher planerait au dessus de la tête du condamné, menaçant de lui éparpiller la tronche à tout instant en guise de rappel sur la fragilité de l’existence soumise aux forces vives de la nature.
Je vous pressens friands d’histoire antique, alors je poursuis. Qui d’autre ? Ah oui, Prométhée.
Encore un joyeux larron, celui-là. C’était un titan. On lui doit beaucoup, car c’est par ses mains que furent créés l’homme (mais pas la femme). Bon, on pourrait lui reprocher d’avoir utilisé de la boue comme matériau, car on voit bien de nos jours ce que ça a donné. Mais il a fait avec les moyens du bord. Ils étaient très DIY 1 les titans à l’époque.
Personne n’avait rien à redire aux inventions de ce brave colosse, mais le perfide se mit en tête de subtiliser le Savoir divin pour l’offrir aux hommes : Le Feu de l’Olympe. Et ça, Zeus n’a guère apprécié. On vérifiera néanmoins qu’il n’aimait pas grand-chose à part déflorer des vierges ou engrosser des femmes déjà mariées. Car, le dieu avait déjà compris que des humains dans l’ignorance se montraient quand même sacrément plus dociles et malléables.
La condamnation de Prométhée se révéla somme toute des plus classiques : « boulotage de foie quotidien par des aigles, au sommet d’un mont du Caucase » avec régénération incluse dans le forfait de nuit. Le foie, c’est loin de l’extase, alors moi, je ne comprends pas trop l’aigle. Mais bon, quand quelqu’un crie « free food ! », au final, pas grand monde ne refuse, surtout si c’est servi frais et chaud.
La conclusion de ces trois ravigotantes légendes ? La voici : si un jour vous avez l’heur de rencontrer Zeus, restez poli, ne parlez pas de sa mère et ne tentez pas de lui dérober ses biens. Avec un peu de chance, il se contentera de violer vos filles pour donner naissance à des demi-dieux maudits.
Une petite dernière pour la route ? Soit, les légendes sont à consommer sans modération.
Les Danaïdes, les 50 filles de Danaos (oui, oui le yoghourt), furent condamnées à remplir des jarres percées pour avoir trucidé les 50 fils d’Égyptos après une nuit de batifolage qui tourna au delirium tremens – des sortes de noces rouges à la grecque. Elles aussi se la donnent au fin-fond des Tartares. D’ailleurs, il arrive régulièrement qu’un hurlement rauque et torturé les incite à lever les yeux de leur absurde labeur. Elles peuvent alors observer pour l’énième fois Sisyphe qui tient son pied endolori sur lequel vient de rouler un rocher taquin, en bougonnant contre les dieux et leurs idées saugrenues. Elles haussent alors les épaules et se murmurent entre elles qu’au final, elles ne sont pas si mal loties avec leurs jarres de l’infini.
D’après mes informateurs, tous folâtrent encore en ces lieux après 3000 ans moins quelques poussières de loyaux services à la communauté. La mansuétude n’étant pas la vertu principale cultivée par les dieux de tout bord, ils y resteront sans doute jusqu’à la fin des temps.
Et maintenant, vous voilà instruits. Je peux ainsi vous quitter sans remords jusqu’à la prochaine fois, et il est temps de vous apostropher :
À la revoyure !
Arno