Resistenza Moves : Unfamous Agricultura , Le WWOOFing

Temps de lecture: 15 min

 

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Bienvenus dans les jardins agro-écologiques de la ferme du Lamalou,

ou une expérience de « WWOOFing » dans une ferme bien alternative.

 

-1989, je prends une grosse claque au concert des Bérurier Noir. Deux ans auparavant, je découvrais la scène rock alternatif et un monde nouveau s'ouvrait à moi: rebelle, enragé, festif, bruyant, libre, un pur bonheur pour l'ado que j'étais. Les lyrics sont pédagogiques et plus rien ne sera  comme avant. Puis très vite je découvre le hip-hop, le reggae, le métal et reste farouchement attaché à une musique sans concession, viscérale et engagée. Le graff explose aussi et toutes ces disciplines que l’on n’appelle pas encore street art me fascinent! Même les sports changent et me paraissent alterno, skate en tête!
-1995 c'est la claque tekno! L'auto-production fait un bond en avant, on ne demande rien à personne, on réquisitionne des friches ou des champs et c'est partit pour le grand bordel de la free! On se sent libres et on a l'impression de vivre le futur MAINTENANT! Et puis désillusions et grincements de dents, un peu fatigué par 10 ans de marathons festifs, je calme le jeu. J'arrête de fumer, prends 12 kilos au passage, je rencontre ma femme Claire, on a une fille Gahia, puis trois ans plus tard un petit couillu Colin. Posé le mec? Pas tout à fait, j'ai toujours un fort goût pour les mouvements alternatifs, qui vont bien au delà de la vision que j'en avais au départ qui était limitée aux secteurs artistiques. Il m'apparaît aujourd'hui hyper important de vivre des alternatives à ce foutu système babylonien !
-2012 voit naître Unfamous Resistenza qui offre une belle vitrine et brosse un état de lieux de l'alternatif... Alors je me dis que peut-être un article sur l'agriculture alternative pourrait avoir sa place sur leur blog !

 

photo15C'est donc l'histoire d'un, plus si jeune, papa qui trouve que le rythme familial s’est considérablement accéléré à la naissance de son deuxième enfant : boulots, nounou, école, courses, tâches ménagères, se succédaient à une allure folle. Nous passions plus de temps à nous croiser qu’à profiter les uns des autres dans notre propre famille. C’est pourquoi  nous avons décidé de partir toute une année sabbatique histoire de prendre le temps de vivre, de réfléchir à nos petites conditions d’êtres humains, de faire un point d’étape au milieu de nos existences et de solidifier notre noyau familial. Pour arrêter de courir, nous avons décidé d’aller marcher sur une petite balade de 1500 kilomètres à pieds de Briançon à Saint Jacques de Compostelle. Cinq mois de marche plus tard, nous avons pris la décision de passer quelques mois dans le sud espagnol : en Andalousie. Malgré toutes mes manigances, impossible de convaincre ma femme de rester habiter dans ce petit paradis. Il nous a donc fallu reprendre le chemin de la France, ce qui ne me motivait pas beaucoup... Heureusement, il restait du temps dans notre année sabbatique, car l’idée de retourner vivre dans nos contrées alpines ne nous emplissait pas de joie. Il faut savoir qu’afin de vivre ce voyage nous avons laissé boulots et baraque, nous étions donc SDF, par choix certes, mais bel et bien SDF. Étant partis à pied, nous avons acheté un vieux camping-car pour faire le trajet retour manière aussi d’avoir au moins un bout d’habitation avec nous pour la suite.

En tant que consommateurs de produits bio, adhérents d’une AMAP à Briançon, sensibilisés au respect de l’environnement et à l’importance des circuits courts, nous avions pensé avant de débuter notre itinérance que le WWOOFing (Le WWOOF : World-Wide Opportunities on Organic Farms, en résumé, c'est du travail volontaire en agriculture biologique) pourrait s’inscrire dans le cadre de notre année sabbatique. C’est après 2 mois passés dans cette Andalousie (célèbre pour sa production maraichère super chimico-industrielle autour d’Almería, qui inonde l’Europe entière de fruits et légumes merdiques dont la production est un énorme désastre environnemental et humain), que nous avons envisagé de faire l’expérience du wwoofîng en rentrant en France.

14 janvier 2013, notre vieux 406 s’installe sur le terrain de la ferme du Lamalou, à Mas de Londres aux portes des Cévennes pour quelques semaines tout au plus… C’est ce que l’on croyait en tous cas puisque pas moins de six mois plus tard notre camion y est toujours, et nous avec !
Pour une initiation à l’agriculture, quelle initiation !! Cette arrivée en début d’année nous a permis de voir l’évolution de la vie à la ferme sur plusieurs saisons, en l’occurrence un hiver long et rigoureux, un printemps froid et pluvieux, pour enfin voir arriver l’été…

Et qu’y a-t-il donc à faire dans une ferme agro-écologique pendant l’hiver ?
Le matin, avant tout, attendre le dégel pour pouvoir commencer la journée… La terre est dure, la glace remplace l’eau dans les tuyaux comme dans les abreuvoirs des animaux, le soleil tarde à réchauffer le tout. Vers 11h donc le plus souvent, la journée de travail commence alors :

  • création et entretien des divers bâtiments, faits de bois pour la plupart,
  • retrait des plastiques, bâches, fils, tuyaux et autres vestiges de la saison passée,
  • distribution de nourriture aux poules, lapins et au Mayal, le célèbre cochon de la ferme, et ce, avec les enfants, pour qui cette tâche quotidienne est un petit rituel permettant de passer un temps dehors malgré le froid et la rudesse du climat,
  • coupe du bois de chauffage, broyat,
  • récolte des derniers légumes survivants d’une période plus clémente,
  • discussions nombreuses avec nos hôtes et apprentissage de nos premières notions d’agriculture mais surtout des enjeux d’une agriculture alternative au système dominant.

 

Et attendre avec impatience l’arrivée du printemps… qui ne tiendra pas vraiment toutes ses promesses.

Mi-mars : déjà deux mois sont passés. Nos projets d’installation dans la région prennent forme, notre départ du Lamalou beaucoup moins ! Nous ne rentrerons pas dans le Briançonnais et avons donc besoin de temps pour construire notre nouvelle vie dans l’Hérault. Un très grand merci à Steph et Silvia de nous avoir encouragés, soutenus, et permis cette longue phase de transition.

Le printemps cette année fut lui-aussi rude puisque froid et pluvieux… très pluvieux. Et au Lamalou, fortes pluies signifient inondations et boue envahissante.

photoAlors que nous avions commencé à mettre en terre les premiers plans et graines, nous les avons maintes fois vus se faire recouvrir de plusieurs centimètres d’eau, retardant leur développement normal et la préparation des sols. Nous découvrons donc les impondérables de la vie paysanne et le quotidien de Steph et Silvia. En effet, si cette arrivée tardive du printemps et la montée des eaux au Lamalou nous démoralisent, il s’agit pour eux d’un moment déterminant pour la saison : retards divers, perte de semences, de temps, d’argent... Malgré tout, c’est eux le plus souvent qui viennent nous remonter le moral, souvent autour d’un bon verre de rouge, ce qui est l’occasion de grandes discussions sur le métier si particulier d’agriculteur, l’agro-écologie, et encore et encore diverses considérations météorologiques… « Parce qu’avec cette foutue pluie qui veux pas s’arrêter ! »
De toutes façons on n’a pas mieux à faire. Il pleut, et les parcelles ressemblent plus à des lacs qu’à des champs. On ne peut pas non plus partir vers des horizons plus cléments, les deux ruisseaux entourant la ferme ayant débordé et inondé la route de toutes parts. On est bloqués ici… histoire de donner une petite ambiance de huis clos, sous cette pluie battante. Mais putain quand est-ce qu’il fait beau dans ce bled ?
Et puis là, miracle au petit matin, on ne rêve pas ? Non ! C’est bien un bourgeon là sur la branche, ouiiiii, enfiiiinnnn !
Alors il est temps de mettre les bouchés doubles, parce que vu le retard accumulé, du boulot, il y en a. Les sols à travailler, afin d’accueillir les plans qui ont bien grandis dans la pépinière. Les serres à préparer, et puis des graines à planter, à planter et à planter encore.
Avec les premiers beaux jours c’est aussi le retour des visiteurs AMAPiens, bénévoles, stagiaires, WWOOFers, potes… La ferme reprend vie, dans tous les sens du terme.

Et nous, on est toujours là !!

Quand on y a passé l’hiver, rude de surcroit, l’été paraît d’autant plus magique. Notre avenir se dessine, nous savons que nous ne sommes plus là que pour quelques semaines.
Après toutes ces semaines passées auprès des « farmers », une forte amitié est née entre nous. Les enfants ont pris leurs marques et se sont habitués eux-aussi à la vie en camion. On n’a pas vraiment envie de partir maintenant qu’il fait beau et qu’on récolte enfin le fruit de notre travail. Il faut pourtant que l’on songe à nos projets à nous, après avoir intensément participé au fonctionnement et à la vie de cette belle AMAP.

De manière générale qu’est-ce qui nous a marqué dans le WWOOFing ? C’est avant tout un autre rapport au travail qui, libéré de l’aspect financier habituel, prend une dimension plus humaine et solidaire. On se retrouve dans une situation de gagnant-gagnant. En pratique, dans notre cas, on donne de notre temps pour la ferme et en échange on pose le camion, on partage le repas du midi ensemble et on se sert en légumes et œufs pour les repas du soir. Il permet aussi de voyager à moindre frais puisque ça wwoofe dans pas mal de pays. C’est également un moyen de découvrir en profondeur l’agriculture, d’où découlera pour nous un rapport nouveau à l’Alimentation et à tous les enjeux qui s’y rattachent : sociaux, humains, économiques, politiques, environnementaux … L’alternative agricole est un enjeu crucial pour l’évolution de l’humanité, n’ayons pas peur des mots ! Les grands semenciers, les producteurs de produits chimiques, les breveteurs du Vivant, Monsanto and Co’ étant une réelle menace ! UNFAMOUS AGRICULTURA !

Dans le détail, ce qui nous a marqués dans notre expérience au Lamalou, au-delà des apports et connaissances précédemment cités, est la logique de fonctionnement de la ferme, où chaque chose à sa place et sert à une autre. Rien n’est gaspillé, tout s’enchaîne, les boucles sont bouclées… Et faya bun la chimie des pesticides et autres désherbants !
Le fumier des animaux et des hommes sert à enrichir la terre, produisant de beaux légumes, qui viendront à nouveau nourrir hommes et animaux. Il est à noter que, outre le « recyclage » des déjections humaines, les toilettes sèches permettent d’économiser des volumes considérables d’eau potable, habituellement utilisés à leur évacuation. Et pour pousser le bouchon encore plus loin, l’eau de pluie, récupérée du toit des toilettes en question, permet quant à elle de se laver les mains après passage.
Le soleil, via les panneaux solaires, vient apporter l’indépendance énergétique, niveau électricité, permettant de s’affranchir de cette putain de filière nucléaire et de ne pas en cautionner les sales excès, abus et dangers. Y’a bon !

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Les abeilles, si nécessaires à l’équilibre de notre environnement, butinent à volonté les fleurs laissées à leur attention, favorisant l’indispensable travail de pollinisation, tout en produisant un chouette nectar, le miel.
Quant aux animaux du Lamalou, à l’ère de l’élevage intensif et industriel, ils font ici office de réfugiés politiques élevés dans de supers conditions.
Ceci étant dit, la ferme ne serait pas ce qu’elle est sans la présence de Stéphane, Silvia et Elior, leur fiston. C’est leurs caractères bien trempés et leur grande polyvalence qui leur permet de vivre dans ces conditions, en accord avec leurs valeurs et dans le respect de leur environnement. Grandes gueules au grand cœur, c’est tout naturellement qu’ils nous ont accueillis sur leur terrain de longs mois durant, avec une immense bienveillance ; et c’est dans un grand respect mutuel des uns et des autres que nous avons vécu cette expérience qui nous marquera durablement.
Pour conclure, en agriculture comme partout, le Système dominant, marchand, pollueur et inhumain, affamé de profits à (très) courts termes est très présent, il est temps de proposer des alternatives saines et centrées non sur l’économie mais sur l’Humain avant tout. Le wwoofing est une chouette initiation à ces questions, il y en a d’autres. En tout cas il est important de préserver ce dont nous nous nourrissons, notre avenir et celui de la planète en dépendent !

Résistons compagnons !

Unfamous Agricultura Resistenza

 

Yohan... WWOOFer de longue durée !


 

AMAP :
Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne. Elle nait en général de la rencontre entre un groupe de consommateurs et d’un producteur. Ils établissent entre eux un contrat de distribution. Les denrées peuvent être fruits et légumes mais aussi, œufs, pain, viandes, poissons, fromage, vin… Issus de l’agriculture et de l’élevage biologique. La distribution sous forme de panier a lieu généralement une fois par semaine. Elle permet l’accès à une alimentation bio de qualité à des prix abordables, puisque débarrassée des habituels intermédiaires faisant grimper les prix. Nous avons donc à faire là à un circuit-court, qui permet aussi aux producteurs l’assurance de vendre leur production à un coût honnête. Pour plus d'informations, consultez le site du Réseau-AMAP : http://www.reseau-amap.org/

Agro-écologie :
“L’agroécologie est pour nous bien plus qu’une simple alternative agronomique. Elle est liée à une dimension profonde du respect de la vie et replace l’être humain dans sa responsabilité à l’égard du Vivant.” Pierre Rabhi.
Ayant pour objet la relation harmonieuse entre l’humain et la nature, l’agroécologie est à la fois une éthique de vie et une pratique agricole. Elle considère le respect de la terre nourricière et la souveraineté alimentaire des populations sur leurs territoires comme les bases essentielles à toute société équilibrée et durable. Approche globale, elle inspire toutes les sphères de l’organisation sociale : agriculture, éducation, santé, économie, aménagement du territoire… Adaptable à tous les biotopes, au Nord comme au Sud, et accessible à tous, l’agroécologie présente des avantages à tous les niveaux :

  • Des avantages écologiques :
    • fertilisation organique des sols,
    • optimisation de l’usage de l’eau,
    • respect et sauvegarde de la biodiversité,
    • lutte contre la désertification et l’érosion…
  • Des avantages économiques :
    • alternative peu coûteuse, économie du coût des intrants et du transport,
    • relocalisation de l’économie par la valorisation des ressources locales, etc.
  • Des avantages sociaux et sanitaires :
    • production d’une alimentation de qualité, garante de bonne santé,
    • autonomie alimentaire des individus et stabilisation des populations sur leurs terres,
    • revalorisation de la place des paysans dans les sociétés,
    • création et renforcement des liens sociaux...

Au-delà d’une pratique agricole, l’agroécologie est une insurrection des consciences qui pourrait bien être à l’origine d’une véritable mutation sociale. Nous sommes tous concernés, alors en route vers une révolution agriculturelle  !

(source: http://www.terre-humanisme.org/)

 

Permaculture :
La permaculture est un ensemble de pratiques et de modes de pensée visant à créer une production agricole soutenable, très économe en énergie (travail manuel et mécanique, carburant...) et respectueuse des êtres vivants et de leurs relations réciproques. Elle vise à créer un écosystème productif en nourriture ainsi qu'en d'autres ressources utiles, tout en laissant à la nature "sauvage" le plus de place possible.
Elle utilise des notions d'écologie, de paysagisme, d'agriculture biologique, de biomimétisme, d'éthique, de philosophie et de pédologie. La permaculture invite à mettre ces aspects théoriques en relation avec les observations réalisées sur le terrain.
La base de la permaculture n'est pas uniquement d'analyser les éléments constitutifs d'un système individuellement, mais aussi de prendre en compte leurs interactions, dans le but de produire une compréhension de l'écosystème dans l'optique d'une utilisation par l'homme.

(source : wikipedia.fr)

 

Quelques films qui permettent de saisir l'importance des enjeux autour de notre alimentation:

« Notre poison quotidien » de Marie-Monique Robin (disponible en intégralité sur Arte+7, jusqu'au 23 juillet 2013)
« Nos enfants nous accuseront » de Jean-Paul Jaud
« We feed the world » de Erwin Wagenhofer
« Notre pain quotidien » de Nikaulos Geyrhalter
« Le monde selon Monsanto » de Marie Monique Robin
« Solutions locales pour désordre global » de Coline Serreau

Il y a bien sur plein d'autres livres, films, sites,  et autres intervenants sur le sujet... Mais il est bon aussi de chercher, de se documenter, de débattre et d'avancer sur ces questions de première importance !

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5 commentaires sur “Resistenza Moves : Unfamous Agricultura , Le WWOOFing

  1. Ton article tombe niquel pour moi: en Septembre, je pars wwoofer en Irlande pour 10 mois, et tout ce que tu dis ne fait que renforcer mon impatience d'y etre!!
    Merci à toi! ;)

  2. Merci de nous faire partager votre parcours...ton blog est super...je viens de vivre ma 1ere experience de wwoofing au quebec et de retour en france, je compte contiuer pour la periode qui me restera à faire..cest une belle experience de partage, dapprendissage et pour certains pour permettre la transition..ce qui me trotte dans la tete..reprendre dans 3 mois, boulot dodo auto , dans une vie qui ne te conviens plus...la transition simpose.....bonne continuation a vous..

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