Chronique & Echange n°2 – Sylvain Tesson : « Dans les forêts de Sibérie »

Temps de lecture: 4 min

 

Sylvain Tesson : "Dans les forêts de Sibérie"

 

 

Sylvain Tesson : écrivain voyageur français né en 1972. Géographe de formation il effectue ses premières expéditions en 1991. Dès lors il multipliera les aventures, seul ou à deux, qui se veulent humaines avant tout:

  • Traversée du désert central d’Islande à vélo.
  • Tour du monde à bicyclette.
  • Traversée de l’Himalaya à pied (5000km en 5 mois).
  • Traversée des steppes d’Asie à cheval.

Il voyage par ses propres moyens, ses expéditions sont financées par la réalisation de documentaires, de livres, de nouvelles et de préfaces de film. Tesson avait un vieux contentieux à régler avec le temps, il dit lui même qu'il avait trouvé dans la marche à pied matière à le ralentir: "l'alchimie du voyage épaississait les secondes".

Au travers de sa dernière expérience (celle qui nous intéresse aujourd'hui) il demandera à l'immobilité ce que le voyage ne lui apportait plus : La Paix.

Aujourd'hui nous parlerons du livre: "Dans les forêts de Sibérie".

Sylvain Tesson s'était promis, avant ses quarante ans, de vivre en ermite au fond des bois, et vous vous en doutez il a tenu promesse. Il s'est donc installé pendant six mois dans une cabane Sibérienne sur les rives du lac Baïkal. Le premier village est à 120km, pas de voisins, pas de route d'accès, parfois une visite. Il a emporté des livres, des cigares et de la vodka, le reste : l'espace, le silence et la solitude, étaient déjà sur place.

Cabane sur les rives du lac Baikal

 

Tous les jours il a consigné ses pensées dans un cahier. Ce journal d'ermitage vous le tiendrez, peut-être, prochainement dans vos mains.
L'auteur nous transporte dans son univers. Il nous décrit, jours après jours, ses nouvelles expériences: comme la pêche, ses expéditions, ses rencontres incongrues, la dureté de la vie dans les bois et la contemplation de la nature qui deviendra une de ses occupations favorite.

Extrait :

"C'est le soir, il est 9 heures, je suis devant la fenêtre. Une lune timide cherche une âme sœur mais le ciel est vide. Moi qui sautais au cou de chaque seconde pour lui faire rendre gorge et en extraire le suc, j'apprends la contemplation."

Il nous délivre ses analyses politiques diverses.

Extrait :

"On pourrait imaginer des petits groupes de gens désireux de fuir la marche du siècle. Lassés de peupler des villes surpeuplées dont la gouvernance implique la promulgation toujours plus abondante de règlements, haïssant l'hydre administrative, excédés par l'intronisation des nouvelles technologies dans tous les champs de la vie quotidienne, pressentant les chaos sociaux et éthiques liés à l'accroissement des mégapoles, ils décideraient de quitter les zones urbaines pour regagner les bois. Ils recréeraient des villages dans les clairières, ouvertes au milieu des nefs. Ils s'inventeraient une nouvelle vie. Ce mouvement s'apparenterait aux expériences hippies mais se nourrirait de motifs différents. Les hippies fuyaient un ordre qui les oppressait. Les néo-forestiers fuiront un désordre qui les démoralise."

Sylvain Tesson nous fait part de ses nombreuses interrogations et pensées philosophiques. Il est vrai que le milieu dans lequel il se trouve est propice à la réflexion: espace à profusion, solitude, silence, apreté de la vie dans les bois et, bien entendu, le côtoiement de la splendeur géographique.

 

Extrait :

- "Peut-on se supporter soi-même ?"
- "Pendant cinq années, j'ai rêvé de cette vie. Aujourd'hui, je la goûte comme un accomplissement ordinaire. Nos rêves se réalisent mais ne sont que des bulles de savon explosant dans l'inéluctable."

Le livre se présente sous la forme d'un journal de vie, ce qui nous permet facilement de nous rendre compte de l'évolution psychologique de Tesson. Il passera par tous les stades, et ses pensées ou ses idées s'en ressentiront évidemment. Au travers de son expérience il aura connu l'hiver et le printemps, le bonheur, le désespoir et, finalement, la Paix.

Tel un anthropologue, ce baroudeur invétéré, analyse sous tous ses angles la vie d'un ermite, et le compare notamment à l'homme des villes.

Extrait :

"Privé de conversation, de contradiction et des sarcasmes des interlocuteurs, l'ermite est moins drôle, moins vif, moins incisif, moins mondain, moins rapide que son cousin des villes. Il gagne en poésie ce qu'il perd en agilité."

 

 Mais alors, et j'en terminerai sur ce point, les sociétés modernes comme la nôtre sont elles prêtes à accepter des ermites (sous-entendu, des hommes qui veulent vivre différemment) ?

 

Réponse de Tesson :

"Les sociétés n'aiment pas les ermites. Elles ne leur pardonnent pas de fuir. Elles réprouvent la désinvolture du solitaire qui jette son "continuez sans moi" à la face des autres."

 

 

 

par Philippe Vieilleden

Lire aussi:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.