Je vous transmets mes civilités dames-oiselles et sieurs-oiseaux, garçonnets et fillettes, chiens, chats et poules. Ainsi qu’à toi, mon fidèle immortel de lecteur (je ne t’ai point oublié).
Aujourd’hui, j’ai une information de la plus haute importance à vous communiquer : je hais les quatrièmes de couverture. Sérieusement ! Je les conchie, je les exècre, je les honnis du plus profond de mon être. Si elles avaient une tête, je la dévisserais pour dégobiller dans leur trachée. Et je pèse mes mots… 36 kilos. Pim ! Le poids littéraire dans ta face.
S’il existe une chose que je déteste plus que les 4dC (Les 4e de couvertures pour les intimes), c’est bien les bandes-annonces de cinéma.
« Mais pourquoi une telle haine ? me questionnerez-vous.
— Parce que, rétorquerai-je.
— Parce que quoi ? vous enquerrez-vous.
— Ah, mais vous m’emm… bétez à la fin ! bougonnerai-je. Toujours à désirer l’explication de tout. J’ai une petite haine tout ce qu’il y a de plus rationnelle et de suite, c’est le haro à l’infini sur ma différence.
— Ben, c’est toi qui en parle, vous emporterez-vous. Nous, on en a rien à fou… gasse, hein ?
— Oh Keï, oh keï, abdiquerai-je alors. Si vous insistez tant, je vais vous expliquer mon pertinent parti-pris. »
Et donc, afin d’éviter de s’abîmer dans d’éventuelles discussions aussi absconses qu’inutiles, je vais développer mon point de vue.
Mon propos ne concerne pas toutes les bandes annonces et les 4dC, bien entendu.
Je ne trouve rien de pire que celles qui en disent bien trop en à peine cinq lignes ou deux minutes. Rien de pire à part, peut-être, les gens qui crèvent la dalle aux quatre coins du beau monde, l’esclavagisme dans les mêmes coins et certains autres, la misère des essedéhèfes juste en bas de chez nous, les guerres de fondamentalisme religieux, celles de ressources terrestres, les manifestations liberticides organisées par les bons vieux extrémistes de tout bord… J’en passe des rouges et des biens mûres. Mais bon, ça, personne n’en a rien à br…outer, alors intéressons-nous plutôt aux choses vraiment importantes de la vie, celles qui dirigent nos actions et discussions à longueur de temps. Et cette fois, ce sujet sera « le spoïl ».
Oui le spoïl, littéralement et en bon françois, le ‘‘gâchage’’ ou la ‘‘spoliation’’. On peut d’ailleurs retrouver ce terme dans une expression qu’affectionnait une femme politique d’un ancien temps : « lecteurs, lectrices, on vous ment ! On vous spolie ! » Et elle avait raison.
Un discours vaut mieux que de longs exemples, alors concentrons nous sur ces derniers.
La première chose qui me débecte, c'est lorsqu'il m'est donné un aperçu bien trop précis du récit à venir. J’illustre mon propos : qu’y soit annoncé le tragique trépas du paternel de notre héros, bouleversant les fondations mêmes de son monde et lui dictant ses prochains choix cruciaux… alors que ledit décès n’interviendra pas avant les ¾ du bousin ?
Et vous d’être là, à n’attendre qu’une seule chose tout au long de la lecture : « Mais bordel de millédiouw, quand est ce qu’il va clamser ce con de daron qu’on passe à la suite ?! »
Non ? Ben moi, oui. Et je déteste ça. Je l’abhorre, je le conch… oui, bon, vous l’avez déjà compris : je n’apprécie guère ce procédé. Il me semblerait logique que l’on ne me dévoile pas à ce stade un élément primordial de l’intrigue. Nope, apparemment pas pour certains.
Vous n’êtes pas convaincu ? Vous en voulez un autre ? Ah, ne vous inquiétez point, mon sac à exemples en déborde ! Allez, une bande annonce cette fois.
Les pires sont celles qui nous abreuvent de toutes les étapes du scénario, rebondissements inclus. La tripotée de films sentimentaux en constitue un bon aperçu :
Un gentil garçon, bardé de certitudes, rencontre une fille pleine de caractère. Ils vont tout d’abord se détester outrageusement, puis commencer à se comprendre doucement, pour enfin tomber amoureux passionnément. C’est bô ; j’en pleure. Mais c’était sans compter que la gente demoiselle était promise à un infâme entrepreneur/chef de la mafia locale/machiste invétéré [biffez les mentions inutiles. Ou pas]. La belle amourette de nos deux amants maudits sera crucifiée au pilori de la raison. Néanmoins, la force intrinsèque de leur passion l’un pour l’autre poussera notre vaillant héros à reconquérir sa douce par ses actes de vaillance/espièglerie/ruse/comédie [biffez les mentions inutiles ou utilisez tout] et à tourner en ridicule le gougeât qui s’interposait.
Je n’évoque d’ailleurs là que les faits directement visibles dans la bande-annonce. Seul point positif : on peut s’empêcher de regarder ladite bouse sans arrière-pensées.
Une quatrième ou une bande-annonce devraient être réalisées pour installer le cadre, suggérer une atmosphère, entretenir le mystère, donner envie de continuer, et non pas fournir les tenants et aboutissants de l’histoire.
Je préfèrerai toujours aborder un roman, ou un film, en disposant du moins d’éléments possible. Cela m’a, à l’occasion, procuré quelques regrettables surprises car, on a beau dire, on se fait toujours une idée de ce que l’on va voir – comme l’on construit un visage à partir dune voix radiophonique. Ainsi, il est certainement étrange de s’imaginer une aventure drolatique et de suivre un drame aussi gore que glauque. Ceci étant dit, c’est aussi souvent par ce biais que j’ai eu mes meilleures expériences littéraires ou cinématographiques.
Pour conclure, infime aparté, je souhaite rendre hommage à l’une de mes références littéraires. Quelqu’un dont je n’avais nul besoin de lire les quatrièmes pour savoir que le contenu que je m’apprêtais à dévorer serait au minimum bon. Quelqu’un qui m’a nombre de fois fait m’esclaffer tout seul, dans mon lit, à des heures indues. Quelqu’un qui nous a quittés bien trop tôt, ce 12 mars 2015.
Mister Terry Pratchett, maître de l’humour et des détournements de l’imaginaire, chantre du loufoque et de l’improbable, je vous salue bien bas. J’espère qu’Il1 aura su vous trouver une place dans les meilleures loges de l’après-vie pour assister à l’apocalypse que vous avez si bien mise en scène.
Bref, en espérant que désormais vous agonisiez à juste titre les 4dC et les bandes annonces trop évidentes, je vous proclame :
À la revoyure !
Arno