Dharma Techno : La surprenante rencontre entre méditation et musique techno

Temps de lecture: 30 min

Dans un monde en agitation perpétuelle, où l'automobile est omniprésente et où l'industrie et notre mode de vie charrient leur lot inévitable de nuisances sonores, Dharma Techno se propose de redonner au Silence son Importance. Bénéfique, le silence est propice à l'apaisement, au repos, à la réflexion, la méditation. Loin du tumulte, dans des cadres naturels et isolés, les membres de cette association ouverte se réunissent pour des retraites silencieuses. Rien d'exceptionnel à cela diront certains, les hippies font ça depuis longtemps dans nos montagnes d'Ariège et d'Ardèche, dans nos Cévennes, et un peu partout en fait. Oui, peut être. Mais ici, la différence est qu'au terme de cette retraite, après plusieurs jours de silence, de méditation et de repos, arrive le son de la Techno. Et pas n'importe laquelle, celle du cœur et de l'esprit, tribale et profonde, et distillée par un maître en la matière, Seb, plus connu sous le nom de 69dB. C'est là un des aspects singuliers de ces retraites initiées par Denis (de Dharma Nature), Debbie et Seb, tous deux membres historiques de la Spiral Tribe. On ne présente plus ce crew unique ayant importé un état d'esprit et un son dans nos contrées, mais pour ceux qui ne connaissent pas, pour faire simple, les Spiral Tribe sont parmi les pionniers du mouvent Free Party.

Pour en savoir plus, rien de plus simple à notre époque, et les liens ne manquent pas sur cette Tribe qui a plus d'une fois défrayé la chronique. Car, plutôt que sur leurs faits d'armes et le parcours de cette véritable famille, nous préférons nous attarder sur ce concept de Dharma Techno, un magnifique pied de nez à ceux qui affirment que le Techno est une musique de drogués, que cette expression musicale est indissociable de la chimie festive. En effet, il ne s'agit pas ici d'aller se reposer quelques jours puis de « se la coller » le dernier jour devant un live de 69dB, que nenni ! C'est d'ailleurs inscrit en grosses lettres sur le flyer : « Pas d'Alcool, Pas de Drogues ». Les choses sont claires, et c'est en cela que c'est intéressant.

La Techno est une musique spirituelle, idéale pour l'introspection, capable de plonger l'auditeur dans un état de transe tribale, de lui faire renouer avec des énergies primales via le contact du dancefloor, même si les semelles de nos baskets nous coupent bien souvent de ces énergies. En tant qu'amateurs de longue date de Free Parties, notre esprit, où les portes de la perception ont été ouvertes il y a des années déjà grâce à la découverte du Dr Hoffmann, ne pouvait qu'être intéressé par ces évènements qui ramènent la Techno à un état plus originel, moins superficiel, sans nocivités. À la quarantaine toute fraîche, on ne fait plus les mêmes excès, comme Obélix, on a plus « besoin » d'en prendre et on a appris à aimer la musique pour ce qu'elle est intrinsèquement, énergétiquement parlant. Certaines mauvaises langues les taxeront sans doute d'élitistes, de puristes devenus puritains, de néohippietechno, mais pour notre part, soyez certains qu'on y passera se ressourcer l'esprit et le corps, car nous n'avons jamais oublié que le Silence est d'Or.

— Abraxxxas

Interview

 

— Bonjour pouvez-vous vous présenter ? Quel a été votre parcours avant Dharma Techno ?

Debbie : Bonjour, je m’appelle Debbie, je suis anglaise mais j’habite en France depuis 16 ans. J’étais l’une des co-fondateurs de Spiral Tribe, un sound system techno anglais, en 1990, et toujours membre de SP23, l’association que l’on a créée en 2008 avec tous les membres orignaux du groupe. Je fais les visuels pendant les soirées et aussi les graphismes, flyers, affiches, t-shirts, etc.  Je fais ça en partenariat avec Mark, un autre co-fondateur de Spiral Tribe.

Denis : J'ai toujours été intrigué par l'envie de me connaitre au delà de mon conditionnement, c'est à dire de discerner en moi ce qui existe indépendamment du contexte dans lequel j'ai grandi. C'est pour cela que j'ai été m'installer en Inde, et c'est cela qui m'a poussé à passer plusieurs mois par an seul dans une petite maison dans l'Himalaya, loin de toute relation. J'ai toujours été très sociable, et c'est la curiosité de découvrir qui je suis, un fois seul et dans le silence, qui m’a poussé vers la méditation.

Seb : 69dB, je suis un musicien qui produit et improvise des livesets depuis 1990. J’ai grandi musicalement avec le sound system Spiral Tribe.

 

— Denis, après avoir vécu plusieurs mois seul dans une petite maison dans l’Himalaya dans le calme et la méditation comment en es-tu venu à imaginer un partenariat avec un sound system techno ?

Denis : Quand Debbie m'a parlé de sa vie avec les Spi, de son amour de la méditation et de sa difficulté de marier ces mondes, je me suis dit qu'elle ne devait pas être la seule dans cette situation. Je sais que pour beaucoup de gens, le phénomène de transe, de drogues et de tribu que l'on retrouve dans le monde de la techno reflète une recherche de liberté. Et à mon sens, la recherche de liberté est le cœur de la spiritualité. Se libérer de nos conditionnements, de ces interprétations erronées de la vie, qui causent tant de souffrance à nous-même et autour de nous.

 

— Il y a une photo marquante pendant une méditation en silence, où l’on voit Seb de dos avec un t-shirt sérigraphié du célèbre slogan : « MAKE SOME FUCKIN NOISE ! ». Comment les Spi en sont venu à organiser des retraites méditatives?

© Mark AngeloDebbie : Le t-shirt dont tu parles était un dessin qu’on avait fait après notre arrestation en 1992, pour avoir organisé un énorme festival illégal (il est à noter qu’après 2 ans de procédures judiciaires hyper chères —l’un des procès les plus cher de l’histoire anglaise—, le verdict fût… Non coupable !).

Seb : Pour moi, Spiral Tribe a toujours représenté un espace où les gens peuvent s'exprimer. Pour s'exprimer librement soi-même, une grosse part est de connaitre son Moi Intérieur. Qu'est-ce que la liberté ? De quoi voulons-nous nous libérer ? Quelles responsabilités accompagnent la liberté quand elle s'exprime au sein d'un groupe ? Où la liberté d'une personne commence par rapport à l'autre ? Comment pouvons-nous partager l'espace dans lequel nous sommes ? Tu as besoin d'être vraiment flexible pour comprendre ces questions. Et pour pleinement saisir tout cela, il faut aussi beaucoup de temps. Beaucoup d'entre nous n'arriverons pas à ce stade à la fin de leur vie. Toutefois, ce que nous avons, c'est nos expériences. Sachant qu'il y a peu de chances que tu puisses aller à l'intérieur de l'esprit de quelqu'un d'autre dans cette incarnation, tu dois vraiment avoir confiance en tes propres expériences. Par conséquent, tu as besoin d'espaces pour expérimenter la vie. La scène rave est juste un exemple d'expérience sociale qui s'est manifestée d'elle-même, à cause de ce besoin. Nous pourrions postuler que, quand suffisamment de ce besoin est accumulé, cela crée un gros potentiel pour que l'énergie créative explose à travers nous, de sorte que les personnes vivent plus d'expériences. Donc, la scène rave est un bon exemple d'un mouvement de masse né de cette énergie créatrice. Pour le meilleur ou pour le pire, cela a créé un espace libre où les gens ont vécu d'intenses expériences. Étant donné l'état des lieux actuel, en ce qui concerne l'humanité à notre époque, il semble compréhensible que cela devait arriver. Le bon côté de tout ça, c'est que beaucoup de personnes se sont ouvertes à leur propre personne intérieure et ont questionné le status quo. Le mauvais côté, c'est qu'au cours du temps, travailler dans une énergie si intense peut avoir de lourdes conséquences, qui peuvent être difficiles à gérer. Aussi, avec le temps, beaucoup de personnes s'éloignent la vision initiale et se sont perdues soit dans la drogue, soit en laissant la politique et le culte de l'égo s'infiltrer dans la culture alternative. C'est pour cela que nous nous sommes intéressés aux cultures de la méditation, car c'est un réel pas en avant dans la compréhension de la même chose mais à partir d'une perspective différente. Pas de drogues, silence et observation attentive de votre moi intérieur à travers une concentration disciplinée. Comme je l'ai dit, il faut être flexible pour arriver une réelle compréhension, et c'est super d'être capable d'ajouter ça à notre bibliothèque de techniques de libération.

 

— Pensez vous que le public Techno puisse être réceptif à la méditation et aux retraites silencieuses ?

Debbie : Nous avons fait 4 retraites depuis avril 2015, ce qui me fait dire que beaucoup de monde dans le public techno est réceptif à nos retraites ! Pour ma part et pour beaucoup de monde dans le milieu techno, ma première ‘rave party’ était comme un éveil spirituel. La musique, les gens, la liberté quoi ! Après ce début, j’ai passé des années à danser pendant des heures devant les enceintes, c’était comme de la méditation en fait. Je pense d’ailleurs que beaucoup de gens ressentent la même chose. Le problème pour certains, y compris pour moi-même est que les drogues sont devenues trop habituelles. Ensuite, à un moment donné, ça n'a plus le même effet, on perd la connexion avec la musique à cause des drogues donc on se drogue encore plus pour essayer de la retrouver ! Un cercle vicieux, quoi !
En 2002, je savais que je ne pouvais plus continuer comme ça sur le plan physique. De plus, je me suis sentie de plus en plus insatisfaite avec le mouvement, après tant d’aventures et voyages je me suis sentie vidée et perdue. Je n’avais jamais pensé de faire de la méditation mais un ami m’a parlé de retraites silencieuses de 10 jours sur donation et j’avais envie de tester, surtout pour le silence après tous ces années de son ! J’ai fait plusieurs retraites Vipassana pendant 10 ans, c’était chouette d’une façon, car cela m’a montré un nouveau chemin de vie. Cela m’a aidé à me calmer un peu et m'a permis de sortir du cercle vicieux « drogues/fêtes/etc. » Mais je me sentais de plus en plus éloignée de mes amis et de ma famille du mouvement techno. Je n’ai pas rencontré des gens avec qui j’ai eu un bon feeling dans les retraites et j'étais, encore une fois un peu perdue. J’ai donc décidé de trouver un juste-milieu avec la méditation, j’ai arrêté les retraites hyper-intensives de Vipassana et j’ai fait le Dharma Yatra en 2014, où j’ai rencontré plein des gens sympas, parmi lesquels Denis ! L’idée de nos retraites est née de cette rencontre. Je lui raconté mon histoire, mon background dans la techno et comment c’était triste de voir tant de gens coincés dans ce fameux cercle vicieux avec toutes ces bonnes énergies créatives gaspillées. Directement, il m’a proposé l’idée de la retraite. Ce qui m’a étonné car il venait juste de faire ma connaissance. Il a tout de suite capté le potentiel énorme de ce projet.

Denis : Pas tout le monde bien sur. Mais par exemple, il y a pas mal gens qui, après avoir testé le chemin des drogues savent à la fois qu'il y a beaucoup à découvrir au delà de la vision conventionnelle et étriquée de la réalité que nous avons adoptée, mais aussi que la drogue n'est pas elle-même un chemin de connaissance qui nous libère. La méditation, c'est à dire s'assoir calmement et observer la vie telle qu'elle se passe en nous, semble alors être un outil intelligent pour apprendre à percer le mystère et nous libérer de ce carcan de vues réductrices qui nous conditionne et nous emprisonne.
Il serait intéressant d'inverser la perspective aussi : « Pensez-vous qu'une retraite incorporant de la techno puisse intéresser des méditants confirmés ? ». Le retour de participants qui viennent plus du monde de la méditation que du monde de la techno est positif lui aussi. D'une part, il y a la mixité du public qui réjouit, on sent un renouveau, de l'engouement. Et aussi, la musique et la danse en fin de retraite amènent un côté humain et coloré qui fait contrepoids au côté parfois trop sérieux d'une retraite en silence. La fête aussi a sa place dans la spiritualité, comme le savent très bien les hindous. Le côté fraternel du dancefloor, (même s'il est en silence, vu que les gens ne parlent pas encore), crée un lien indéniable entre les participants. Cela contribue à fonder une communauté d'esprit, qui se retrouve et se soutient (comme c'est le cas à Paris par exemple), en intégrant des temps de méditation et des temps festifs dans une même recherche spirituelle, honnête et ancrée dans notre réalité.

Seb : Oui, sans aucun doute, la preuve étant que le public techno a déjà été présent dans les 5 premières expériences que nous avons menées jusqu'à présent. Il est devenu tellement large, que, évidement, ça ne se sera pas pour tout le monde, mais la méditation, c'est très proche ce qui était déjà là quand j'ai commencé en 1998. Pour moi, le vrai cœur de la rave, c'est le sentiment découverte, de progresser dans la compréhension de nous-même et de l'univers. De ce point de vue, je ne suis pas surpris de voir que les jeunes du mouvement techno aient perçu la méditation comme un chemin inspirant.

 

— Comment choisissez-vous les lieux où les retraites se tiennent, quels sont vos critères ?

Denis : Les lieux se proposent d'eux-mêmes. Ce qu'il faut, c'est un public curieux et un endroit pour se rassembler.

 

— Seb évoquait durant une retraite la volonté de Spiral Tribe d’œuvrer pour une transformation sociale. La méditation est un chemin de transformation personnelle. Vous voyez un lien entre ces deux aspects ?

Debbie : La méditation nous aide à nous transformer, à prendre de bonnes habitudes de vie, à développer plus de compassion envers les autres et soi-même, donc même si c’est d’abord pour la transformation personnelle, en changeant nous-mêmes, nous changeons la société.

Denis : Le silence choisi et l'introspection nous révèlent à nous-mêmes. L'égo, ou la sensation d'exister indépendamment du monde est un mythe qui ne résiste pas à un examen approfondi de notre expérience. Par exemple, l'idée d'un possible bonheur individuel indépendant du contexte dans lequel nous vivons a besoin d'être remise en question. La méditation et l'introspection peuvent dissoudre ces idées fausses qui nous isolent, avec les conséquences graves que l'on peut constater de nos jours. Quand nous voyons clairement que la générosité (c'est à dire l'esprit sans peur) est un état d'esprit bien plus agréable que l'égoïsme, alors sans effort, l'esprit de profit fait place à l'esprit de partage. L'individu, aussi bien que la société toute entière, bénéficie de la présence d'une personne qui n'est pas concernée que par elle-même.

Seb : La méditation m'a aidé à voir combien des choses qui nous rendent la vie difficile dans la société sont des choses que nous portons tous avec nous, dans nos vies de tous les jours. Il ne peut y avoir de changement dans la société si nous n'apprenons pas à gérer nos propres problèmes. L'exemple classique, c'est le simple fait que les gens pourraient faire tomber n'importe quelle institution commerciale, avec la simple volonté de dire : « Non, nous n'avons pas besoin de ce que vous essayez de nous vendre ! »
Comme nous le savons tous, les masses sont encore très enclines à acheter des produits qui font du mal à nos corps et à notre planète. Cela montre bien comment beaucoup d'entre-nous sont devenus déconnectés de savoir ce qui est bon pour la planète et notre santé. La méditation est un très bon moyen pour les gens de se reconnecter avec leur moi intérieur. Quand on fait cela, on se sent souvent très satisfaits. Être satisfait avec très peu est la plus dangereuse des choses pour une économie de la consommation.

photo : Phosphenes (Kynsie Serre)

 

— La figure mythique de la Spirale et la méditation ça vous évoque quoi ? Quel est l’aspect spirituel de la techno ?

Debbie : Pour moi la spirale et la méditation vont parfaitement ensemble, c’est une des évolutions naturelles de notre parcours: éveil d’esprit, comme on a fait il y a plus de 25 ans avec notre musique et notre façon de vivre. L’autre évolution de quelques membres de notre groupe est bien sur le projet Artists in Action, qui soutient les réfugiées.

Seb : J'ai déjà dit cela dans quelques interviews mais je vais le redire quand même : si quelque chose te semble bien, alors il faut le tenter, et regarder si cela tient la critique et les expériences des autres personnes. Donc... « Le meilleur surfer ne peut rien faire sans une vague. »
Ça, pour moi, c'est ma façon d'exprimer le côté spirituel de mon expérience. C'est parce que, en tant que personne qui a basé sa vie sur l'art de l'improvisation, tu deviens vraiment conscient que presque à chaque fois que la musique devient bonne, tu es dans une sorte d'état de concentration où le temps s'envole. Tu as le sentiment que tu es juste en train de surfer sur quelque chose qui est là, dans le moment, quelque chose qui veut juste devenir réalité à travers toi. Jimi Hendrix appelait ça l'electric church. C'est le moment où tu es sur le dancefloor et où la musique se saisit de toi, d'une manière où tu perds le fil du temps et commence à te sentir bien. C'est une expérience directe avec l'instant, où tu ressens le plus profond côté de la réalité t'appeler. Ton intuition sait que tu es en contact avec quelque chose d'éternel, quelque chose qui nous connecte tous ensemble. Je suppose que c'est ce que j'appelle « spirituel ».

 

— Comment le reste de la tribe a perçu le projet Dharma Techno ?

Debbie : Le reste du crew SP23 est complètement d’accord avec Dharma Techno, en fait pour la troisième retraite qu’on a fait, il y avait 5 membres qui ont participé !! Bravo à eux !

Seb : Les spirals qui sont venus sont tous repartis inspirés. Il y a un respect général pour ce projet, de la même manière que nous respectons le projet Artist In Action que Jeff et Simone ont apporté au groupe.

 

— Comment le monde la méditation voit-il l'expérience que vous proposez ? Il m’a semblé que certains bouddhistes ne le voit pas d’un bon œil.

Denis : J'ai surtout des retours positifs, de la part de collègues enseignants aussi bien que de pratiquants à long terme. Le réseau dans lequel je pratique et enseigne la méditation est non dogmatique.

Les quelques échos négatifs que j'ai entendus me sont parvenus par personnes intermédiaires, et viennent de gens qui ne connaissent pas le projet et se sont fait une idée sans aller plus loin. Je me soucie peu de la politique et du respect des traditions. Ce qui m'importe, c'est de préserver l'esprit de curiosité, d'ouverture et d'honnêteté qui sont les conditions indispensables à la connaissance de soi, à la quête de liberté.

 

— Pire galère lors d’une Dharma Techno ? Moments magiques ?

Debbie : Les galères pendant une retraite ? Justement la fameuse troisième édition avec presque la moitié de SP23, pas facile à gérer, surtout le silence !!

Seb : La première était vraiment plus facile que les autres vu que j'étais nouveau dans la méditation. Depuis, je trouve que la méditation est un vrai challenge. C'est très gratifiant mais tu dois travailler dur pour rester dans l'instant. Les meilleurs moments, pour moi c'est quand le groupe commence vraiment à ressentir l'amour qui existe entre nous une fois que l'on s'est débarrassé de toute la merde que la vie quotidienne nous mets dessus. Dans ces moments, quand on revient aux choses simples de la vie, la connexion entre les gens devient magnifique.

 

— Comment imaginez-vous l’avenir de Dharma Techno ?

Debbie : L’avenir… j’espère qu’on pourra faire les retraites entièrement sur donations, pas de prix fixe, pour qu’elles restent accessibles à tous ceux qui veulent tester. Je voudrais aussi atteindre l’étape où l'on pourra faire une retraite plus longue une fois par an, pour les gens qui ont déjà participé à une retraite de 4 jours. Mais aussi, les journées de découverte de la méditation, des après-midis dans les festivals… etc., etc. La liste est longue.

Denis : Je ne l'imagine pas. Je suis déjà bien assez surpris avec l'engouement présent. Je pressens que projet ne fera que grandir, mais je n'ai aucune idée de la forme que ça va prendre. Cela dépendra des rencontres, des propositions...

Seb : Pour le moment, j'espère juste qu'on puisse continuer de propager le concept et qu'ainsi d'autres personnes puissent faire leurs propres versions de ce genre de choses. C'est très important pour nous tous de trouver des voies pour s'extraire de la crise actuelle. Nous sommes à un très mauvais point dans la réalité et nous avons vraiment besoin de trouver des voies pour aider les gens à traverser cette époque sans se perdre dans la propagande. La méditation aide à voir le bon dans toute chose, même quand c'est très bien caché. Si Dharma Techno peut aider les gens comme ça, je serai très heureux.

 

— Si vous étiez un film, un livre, un disque ?

Seb : Je ne suis pas sur de pouvoir dire que je suis l'un d'eux mais je recommande le livre Dao de jing de Lao Tseu, et l'album Free Your Mind... And Your Ass Will Follow de Funkadelic.

 

— Le mot de la fin ?

Seb : Nous sommes « là » et personne n'a prouvé définitivement ce que « là » est. Alors n'ayez pas peur d'avoir confiance en votre vie, en vos expériences directes. N'ayez pas peur de faire des erreurs tant que vous apprenez d'elles et qu'elles ne font de mal à personnes. Vous n'êtes pas à blâmer pour notre ignorance. Vous êtes là pour vous accomplir. C'est tout. Et cet accomplissement ne tient qu'à vous. Cela prendra le temps que cela prendra. Vous serez « là », tant que vous ne vous serez pas accompli. Bonne chance, et beaucoup d'amour !!

Debbie : Merci !

 

Prochains Évènements

Rencontre Méditation et Techno le 22 avril à Montpont en Bresse (71) :
Plus d'infos

 SON SILENCE ET DANSE, du 11 au 16 Mai dans le Sud du Vercors :

 

Retour d'expérience

…SPIrituality Travelers Adventures...

 

Fin 2000 à M’hamid un petit village à 90 kilomètres de Zagora, je crois en fait que c’est là que tout a vraiment commencé, dans cet aride sud marocain. Je pars pour une méharée de trois jours, un guide, un dromadaire et moi-même. Pas de dialogue possible, aucune langue en commun entre nous, il ne nous reste que le langage non-verbal. C’est pas bien grave, en homme du désert, mon guide n’est pas du genre bavard… Je découvre le Sahara et son immensité, qui laisse tant de place… Ce vide, ce silence, ce lieu, ici tout pousse à l’introspection. L’agitation du monde devient souvenir, le calme se fait ample. Le temps s’étire, s’allonge, se tord. Tous mes repères changent, rarement un lieu ne m’avait procuré un effet aussi puissant! Un instinct inconnu me pousse à m’asseoir en tailleur, je me centre sur ma respiration, sans trop m’en apercevoir ni le conscientiser, je commence à méditer. Les heures passent, le temps a muté, combien de temps suis-je resté ainsi ? Une heure ? Cent six jours ? Cinq minutes ? Une petite éternité c’est sûr… ! C’est la claque pour moi, une spiritualité puissante, très intense et subtile en même temps m’a empli, m’a imprégné, a vibré dans chacun de mes tissus, dans chacune de mes cellules, au plus profond du moindre atome de mon corps. Le teknoïde rôdeur de free-party que j’étais alors n’est plus, je ne suis plus qu’inspirations et expirations, grain de sable parmi les grains de sable, je vie, je suis, mon âme s’envole. Les mots sont bien vains à décrire, ce moment extraordinaire. Il y a un « truc », une présence dans le vide du désert, un indicible qui cependant est… Il me faudra plusieurs jours pour m’en remettre. Comme pour une expérience lysergique, le carton en moins, j’ai ouvert de nouvelles portes dans ma perception.

Puis revient Paris, ses excès qui collaient si bien aux miens, le boom boom, la vie trépidante, le speed, Paname quoi ! Mon escapade marocaine ? Une bien belle parenthèse à l’arrière-goût de menthe sucrée, mais voilà, fini les vacances, le métro, boulot, tekno reprend, au 106 rue de la Jarry, au 5e étage de la cité industrielle de Vincennes, de nouvelles aventures m’attendent... Différentes !
Et pourtant un peu de moi est encore dans ce désert, ces portes ouvertes, enfin à peine entrebâillées, laissaient apparaitre les douces promesses d’un monde inconnu, complexe mais simple, spirituel et mystique, les charmes d’un territoire d’exploration infini, la beauté d’un univers plein de Vie ! Un goût d’encore et encore…
Voilà pourquoi depuis des années je souhaitais vivre une retraite, une période dans ma vie où me retirer, prendre du temps pour moi, pour mon corps, pour explorer cette intériorité que j’avais découverte sur une dune de sable. Mais à mes yeux, trop religieuse, trop barrée, trop, trop, trop pas confiance, trop business, je ne trouvais pas de retraite qui me convenait. Tant pis, quand le disciple serait prêt, la bonne retraite apparaitrait. Je dois reconnaitre que quand j’ai vu passer une info sur le Net, disant que les Spi organisaient des sessions de méditation silencieuses avec une soirée tekno à la fin, j’ai pas tilté tout de suite. Qu’ils organisent de l’athlétisme catégorie saut à la perche à la rigueur, mais des retraites…Silencieuses qui plus est ! Make some fuckin’ noise ? Silence, no drugs, no alcool et soirée techno???… Vous êtes sérieux ? Mais il est vrai que tout ça commençait sérieusement à aiguiser ma curiosité…

Autre lieu, autre époque, la Vie voulut qu’un des parents d’élèves de l’école où aillaient mes enfants, et avec qui je partage un chouette engagement associatif, ne soit autre que Denis, le prof de méditation…qui propose son enseignement dans les Dharma Techno, qui fait donc équipe avec Debbie et Seb aka Fenix 13 et 69db from Spiral tribe ! Ça alors !!! Denis, tu fais le « son, silence et danse » et…c’est bien ??!!! « Ah, ah ; trop bon, j’ai vraiment très envie de vivre ça, je viens à la prochaine ! » Un long trajet, en covoit’ avec Ophélie qui va à la retraite aussi (merci Debbie et son super sens de l’organisation), et un succulent repas plus tard, voilà que j’échange mes dernières paroles comme un mec fumerait sa dernière clope. Je fais le deuil temporaire de la parole, moi le bavard ! Téléphone et internet sont coupés, la numérique déconnexion amorcée, nous allons pouvoir commencer la vraie connexion !

photo : Phosphenes (Kynsie Serre)6h 15, ça pique un peu, heureusement on commence par l’atelier mouvement, Kynzie nous propose un réveil musculaire efficace et tout en douceur, qui m’aide bien à sortir de ma torpeur. Une journée hors du temps, hors du commun, débute alors. La parole n’est plus, méditations, étirements, karma yogas (petits travaux collectifs quotidiens), la communication est autre ! Le silence est dense, le silence va être danse… Je m’étire, je prends un vrai temps pour moi. La découverte est totale. C’est étrange d’être aussi proches d’autres humain(e)s tout en restant dans un silence durable. Je découvre que l’on peut avoir des affinités les uns pour les autres sans parler, je découvre même une forme d’humour silencieuse qui me plait bien. Peu à peu, de méditations en méditations, de jour en jours je ressens l’intensité du groupe, cette connexion silencieuse mais effective. Un parfum de camphre, d’huiles essentielles, me ravit. Vraiment posé l’esprit peux s’attarder… Le corps aussi. Manger au soleil en pleine conscience. Excellentes nourritures terrestres au service des nourritures célestes, vivre, être, expérimenter l’Ici et Maintenant ! Émotionnellement je fais le yo-yo, je fais mien le nom du label « Explore-toi », quête d’essentiel, de Vie, retour aux Sources ! Je passe forcément, ce serait trop simple sinon, par un regard sur les poubelles de mon existence, mais pour mieux retourner à ma Source, à mon être profond. Les méditations guidées, les Dharma talks, les cercles de partage, ces petites enclaves de paroles dans le silence sont pleine d’émotions intenses.
Inspiration, expiration, respiration, méditation, marche, gainage, le sauna tellement salvateur (quelle chance, le nôtre est tombé le lendemain de la soirée techno !!!!), étirements, écriture (malgré le deuil temporaire de la parole, le bavard ne se taisant pas si facilement en moi…), salutations au soleil, le tout dans paysage montagnard mystique…. Je prends soin de tout mon Être, tout prends du sens, le silence laisse place à des choses que la fureur du bruit de nos vies trépidantes nous cache. A fleur de peau, empli d’intenses ondes vibratoires, la fêlure de l’armure que la « société » nous pousse parfois à revêtir laisse enfin passer de nouvelles et belles sensations. De douces révélations ou confirmations, se font jour. Ajustement, réajustement, découverte, sacrés expériences, expériences sacrées, uniques et savoureuses ! Bas les masques, le silence en notre retraite, laisse nos corps, nos vécus, nos joies, nos souffrances nous dire…sans un mot ! Une envie de vivre, de vivre et de vivre encore pétille en moi, et grandie au fur et à mesure des jours qui passent. Accepter ce silence, le faire sien… Etre, être tout simplement.
Et puis, enfin la fraise…

photo : Phosphenes (Kynsie Serre)Longuement les bols tibétains chantent, de biens cristallins et délicats sons sortent de la sono en quadriphonie de Flo, lentement le live de Seb nous fait passer de la méditation statique à une expression corporelle où nos corps, mieux que nos paroles disent la danse, le lâchage, la transe, la Vie. La première basse résonne longtemps en moi… Puis lentement, doucement, les BPM accélèrent, la tek me reprends, tout, le bide, le corps, l’âme! On jumpe, sourire aux lèvres, à l’ancienne !!!! Putain, mais c’que c’est bon, j’avais presque oublié... Et voilà, on est à fond !!!…de rien !!! Enfin si de méditation, de bienveillance, d’une succulente alimentation bio et végétarienne revitalisante (merci du fond du cœur aux fées en cuisine). A fond de Vie, de sourires, la transe est là. Aucune dope pour nous dicter nos états, c’est juste que la magie est puissante ! Je fais la paix avec la tekno ! Plus besoin de parler, la joie est là, l’émotion palpable… Raymonde, la doyenne de la retraite —83 ans—, restera jusqu’à la fin de ce live envoutant, les yeux humide d’émotions. Elle nous dira avec malice le lendemain, « Mais comment je vais faire pour mes prochaines retraites, sans la soirée tekno, je vais m’ennuyer ! »
Le lendemain, petite appréhension… Aïe, ça sent la fin, noooon, encooore !!! Tutoyer si fort le bonheur et déjà devoir partir, ça aussi, ça me rappelle mes plus belle raves… « Oh non pas encore, pas encore la fin, ça fait que 5 jours qu’on est là, encooore !!!! » Mais, heureusement, il reste encore de la magie à vivre : la rupture du silence. Premiers mots échangés, sensations encore… Merci à Johanne, pour ce délicieux petit crochet par la Galice… Quel bonheur d’écouter vos voix, vos ressentis, vos points de vue, vos vécus, partager ces quelques mots avec envie comme un glouton, ou plutôt comme un amoureux du relationnel. Cette douce sensation, ces nouvelles compréhensions, vous et votre touche magique me font transpirer le bonheur par tous les pores. Le cercle de partage final, ces accolades, cette empathie, vous prendre dans mes bras, me retrouver dans les vôtres, la gorge serrée à l’idée de vous quitter. Wahouuu en fait ça peut-être si beau l’Humanité !!! Entendre Edgar dire, la larme à l’œil, des tremolos dans la voix, merci Spiral Tribe, ça fait deux fois que vous changez ma vie, il y a 20 ans et … Aujourd’hui !!! Émotions! Merci à vous toutes et tous… On restera Dharma Techno ! SPIrituality travelers en balade !...

En fait je voulais juste écrire un beau texte sur l’intensité, la douce puissance et l’amplitude d’ouverture que j’ai ressenti dans cette retraite, mais la tâche est rude devant l’immensité des sensations, des émotions et de toute la Lumière ressenties, reçues et dégustées en ce lieu si serein ! Il est difficile et un peu vain de décrire ce lien qui se tisse, cette connexion, ce moment unique hors du temps, si riche, si précieux… Parce-que finalement les Dharma techno ont autant de visages que nous tous(tes) et c’est tant mieux ! Elles sont comme nous… Uniques ! C’est si bon ! Alors même si beaucoup de tout ça est indicible, on a décidé d’en faire un bel article… Et peut-être de vous donner envie ?
Comme nous le disait Seb, quand il a commencé les fêtes gratuites, il voulait changer le monde, 25 ans ont passé et constate que le monde n’a pas vraiment changé, du moins pas forcément dans le bon sens. « Avec Dharma Techno, en se changeant soi, on peut vraiment changer les choses, on est au début d’un mouvement… ». Il a raison, pas de transformations sociales sans transformations personnelles !
Un énorme, intense et sincère namasté à Debbie, Denis, Seb, Kynsie, Flo, les Mumus en cuisine, Alice, merci à vous l’équipe de Dharma Techno, à vous toutes et tous retraitants !!! C’était magiiiiiique !!! Une chose est sûre ! Je reviendrais !!!
Parce qu’en fait… Rien n’arrête un peuple qui médite !

Un très grand merci à Sophie pour sa patience et son énorme boulot de traduction ainsi qu'à Véronimo sans qui cet article ne serait pas sous vos yeux et merci à Marc Angelo et Kynzie Serre pour les photos.

— Yoh del Campo

© Mark Angelo


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4 commentaires sur “Dharma Techno : La surprenante rencontre entre méditation et musique techno

  1. En lisant ton article, j'ai eu la sensation de revivre ces 4 jours si merveilleux, fabuleux, surprenants et tant ressourçants. Ton écriture fluide et descriptive, agréable à lire me fait remonter les sensations, émotions vécues lors de la retraite. je suis rentrée pleine de vie comme si enfin la buée accumulée ces derniers temps sur les vitres de ma vie était évaporée et alors le quotidien prend un autre parfum. Celui du désir de continuer le chemin avec au coeur tous ces moments partagés et le souhait que l'aventure continue pour Dharma Techno en touchant tous les coeurs désireux d'harmonie et que la communauté s'aggrandisse pour le plus grand bienfait de l'humanité. longue vie à Dharma Techno!

  2. Waouhh!
    Même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais pu imaginer une telle évolution. Bravo à tous ceux qui contribue à cette révolution. J'ai accompagné le mouvement techno pendant plusieurs années en mettant en place des chill out, des stands d'information, le testing et les analyses en laboratoires, ainsi que des antennes médicales d'urgence de façon à éviter chaque fois que possible les urgences ou le bad en psychiatrie.
    Le but était de limiter la casse et de donner suffisamment d'infos pour que les gens puissent faire un choix "éclairé". Pour rappel, sur 5000 ectsasy analysés en labo, nous avions trouvé plus de 800 molécules... Cherchez l'erreur!
    Plus d'une fois des DJ ou des teuffers, sans doute étonnés par ma présence et par les actions menées, m'ont demandé:" Et toi, qu'est ce que tu aimes comme son?" et invariablement je leur répondais: "Moi ce que j'aime, c'est le silence..." Là, ils étaient bluffés, et se demandaient vraiment ce que je faisais là.
    Alors, ce qui se passe aujourd'hui, j'applaudis des deux mains...
    Aho mitakuye oyasin

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