Resistenza Moves : Voyage au long cours sans moyen motorisé

Temps de lecture: 12 min

photo : Morgane Lefèvre

 

Un article sur le voyage sur le blog d’Unfamous Resistenza ?

Et oui, le voyage aussi peut-être alternatif. À quoi ? Avant tout et comme pour tout, au secteur marchand : tour-operators, « Club Merd » et autres formules clé en main que proposent les boites spécialisées dans le domaine. Une alternative à ce nouveau colonialisme qu’est devenu le tourisme de masse. Une alternative aussi au métro, boulot, dodo ou plus cynique encore : travaille, consomme, meurs.

Une pause, une parenthèse… ou un mode de vie !

Cette bafouille m’est venue à l’idée au retour de notre voyage, une itinérance qui nous emmena sur une petite balade de 1500 kilomètres à pied de Briançon à St Jacques de Compostelle, avec nos deux enfants et notre vieille toutoune. J’ai envie de vous faire partager mon goût pour ce type de voyage et pourquoi pas de vous inciter à prendre la route. Et si ce type d’article y a sa place, pourquoi pas créer une rubrique voyage sur le blog d’Unfamous Resistenza. Voyager au long cours ouvre au monde, booste la croissance personnelle, aide l’ouverture d’esprit, la compréhension et l’acceptation de l’Autre. Alors tenté par l’expérience de :

Voyageur au long cours… non motorisé !

J’en ai marre, ça suffit, je me casse. On a tous ressenti cette sensation de ras le bol, un besoin d’ailleurs, un besoin de changer d’air. Mais pour partir où ? Pour faire quoi ? Comment, et avec quel argent ? Et les meubles, la maison ou de l’appart’, la bagnole ou le taf ? Alors souvent, on y pense, on en rêve, et puis on oublie… et on reste !

Mais parfois l’envie se fait plus forte, viscérale et bien ancrée. Elle gueule si fort en nous qu’on a vraiment envie de l’écouter, de passer du rêve au projet puis à sa réalisation. Parce que finalement, savoir vers où, c’est secondaire et c’est plutôt agréable à imaginer. Pour faire quoi ? Vivre pleinement : sa vie, sa liberté, son voyage, aller en direction du lieu que l’on cherche à atteindre, ou finalement ailleurs... Pour ce qui est de l’argent, sur ce type de voyage, en restant humble et en se satisfaisant de peu, on en a carrément moins besoin qu’en restant à la maison. Enlevez les charges liées à la voiture, le loyer, et autres assurances, taxes d’habitation, abonnement Internet, téléphone, factures d’eau et d’électricité de votre budget, ça laisse une bonne marge pour le reste. A titre d’exemple nous sommes partis en voyage durant une année ma femme et moi accompagnés de nos deux enfants de 2 et 5 ans et de notre chien, avec un budget de 693 euros par mois, parce que nous étions en Europe de l’Ouest où la vie est chère… Dans certains pays il est des voyageurs nature qui vivent à deux avec 100 dollars par mois, voire moins !!!

eParfois, c’est la peur qui nous éloigne du départ : « C’est la crise, y’a pas de taf, suis-je vraiment capable de le faire ce voyage, qu’est-ce que je vais faire en rentrant ? ». Mais les barrières, c’est souvent nous qui nous les posons, paradoxalement épris de liberté, et en même temps, nous sommes parfois nos propres matons. Finalement, partir, c’est lâcher prise, c’est accepter ce saut dans l’inconnu, c’est oser poser un regard neuf sur le monde et ses habitants… et sur soi-même ! Peu importe les raisons ou les questionnements qui poussent à partir, ce qui compte c’est d’écouter ses envies, de se faire confiance et d’y aller. Il s’agit d’ouvrir la porte et de faire le premier pas. Le reste n’est qu’organisation et logistique. Poser une date ferme pour le départ permet de concrétiser un peu plus le projet. C’est aussi l’échéance ultime à laquelle on doit avoir réglé tout ce qui pourrait perturber le bon déroulement du voyage :

  • Où laisse-t-on nos affaires ?
  • Comment annoncer à son employeur qu’on va quitter son poste durant plusieurs mois. Pas de boulot ? C’est ça de moins à lâcher…
  • Comment s’équiper : dans un voyage non motorisé, n’emporter que le strict minimum. Le strict minimum, oui mais de qualité. Pour les petits budgets prévoir d’étaler les achats dans le temps.
  • Quant aux papiers et autres formalités administratives : assurance de voyage, visa, passeport, autorisations diverses pour certains pays ? Il faut y passer et penser à les scanner et à se les envoyer par mail pour une sauvegarde en cas de besoin.
  • Toutes ces étapes peuvent paraître rébarbatives, mais en même temps, quelle joie de mettre fin aux dépenses qui n’auront plus lieu d’être, de savourer chaque pas qui nous rapproche un peu plus du départ. C’est peut-être aussi le temps de gestation nécessaire à votre itinérance…

 

photo : Morgane Lefèvre

 

Pour ceux qui ont des enfants, la question de voyager avec eux ne doit pas être une barrière au départ. Ils ont une faculté d’adaptation bien souvent supérieure à celle des adultes. Les impliquer dans l’organisation participe à un vrai projet de famille et permet de partager avec eux ce temps important de la préparation. C’est aussi un bon moyen de connaître leurs attentes, leurs appréhensions ou leurs idées géniales. Une fois partis, vous vous rendez vite compte que les enfants augmentent aussi fortement le potentiel de sympathie des voyageurs. Il n’est pas rare de voir des inconnus leur offrir boissons ou victuailles voire d’accueillir toute la petite famille pour la nuit ce qui, je vous rassure, arrive aussi sans eux. Si vos enfants sont scolarisés en maternelle, ce n’est pas un souci, l’école n’est pas encore obligatoire. À partir de 6 ans, c’est l’éducation qui est obligatoire et non l’école. On peut donc justifier de son aptitude à éduquer ses enfants ou passer par la formule des cours par correspondance. Ce type d’expérience, bien gérée, est une manière intéressante de solidifier le noyau familial, apporte une grande proximité et permet une connaissance approfondie entre les membres de la famille.

lCeci dit, lors d’un voyage en famille ou en groupe, il peut être bon de définir des objectifs : individuels, pour les enfants, le groupe ou le couple. Ces objectifs ne gêneront en rien la spontanéité des moments à venir, mais permettront d’être bien au clair sur les envies et attentes de chacun. On voit bien souvent des voyageurs se déchirer, parfois pour des broutilles, à propos de la suite des évènements, l’itinéraire à suivre, le lieu du bivouac et « Putain qui a fini le PQ sans en racheter ?!!! » Ceci surtout quand la fatigue se fait ressentir et que la magie du départ s’est un peu atténuée.

La phase de préparation peut paraître interminable tant l’envie de partir se fait pressante. Il est possible, pour exorciser son impatience, d’alimenter un blog de voyage… avant le départ ! Ce qui permet, au besoin, de se familiariser avec son fonctionnement d’une part, et d’autre part, l’alimenter c’est déjà partir un peu…

Tiens, d’ailleurs, blog ou pas blog ? Les avis sont très marqués avec d’un côté les partisans d’une rupture totale avec son quotidien et ses petites habitudes, et de l’autre ceux qui ont envie, besoin, de partager leur trip avec leurs potes et leur famille. Dans notre cas, la rédaction du nôtre fut un vrai plaisir, tant au niveau de l’écriture que de la photo. Il est vrai aussi que lire le commentaire bienveillant d’un(e) ami(e) après une journée difficile fait vraiment du bien. Le tout c’est de ne pas passer plus de temps sur Internet à s’occuper de son blog qu’à vivre pleinement son voyage…

Reste aussi l’option du carnet de voyage qui, plus intime, permet de fixer souvenirs, sensations et ressentis.

Ça y est, ça approche, tout s’accélère : dernières formalités, dernier coup de bourre, c’est le moment des aux revoirs, des bouffes avec les proches. C’est aussi le moment des insomnies, comme des mômes qui n’arrivent pas à trouver le sommeil la veille de Noël, à ceci près que cela va durer bien plus longtemps que Noël ! Et que ce ne sera pas tous les jours un cadeau, vu que les galères et les difficultés seront aussi de la partie.

Puis, c’est enfin LE grand jour, tant attendu. Il peut être sympa de faire de la première étape un moment collectif, partagée avec les gens qui comptent, que l’on aime, et d’en faire un moment fort. Un premier pas, puis un autre, ça y est : c’est le premier jour du reste de ta vie… L’Aventure commence !

 

photo : Morgane Lefèvre

 

Passé les premiers cris de joie et les premiers kilomètres, il va falloir un certain temps pour se roder, pour se faire à cette nouvelle liberté, pour quitter sa carapace du passé, et s’ouvrir à l’Instant. C’est une autre relation au temps qui commence. Le fait d’avoir du temps, vraiment, change notre regard. Même en vacances, inconsciemment ou pas, on a tendance à chercher à « rentabiliser » son temps, faire ça, ça, ça et ça, voir untel et untel, se reposer tout en profitant le plus possible.

Là, on a le temps. Le temps pour la rencontre, pour le paysage, pour l’Autre, pour soi, pour vivre... Et ça c’est un très grand luxe dans le monde dans lequel nous vivons.

Chacun vivra ensuite ce qu’il aura à vivre. L’imprévu viendra changer les plans initiaux, si toutefois il y en avait, et mettre un peu de piment dans tout ça. Car dans cette société de plus en plus sécuritaire où tout se doit d’être réfléchi, pesé, calibré, qu’il est bon de se laisser aller au hasard des rencontres et des opportunités. De se laisser porter par le vent et la Providence. À force de tout sécuriser, on se protège certes du danger mais on s’isole aussi gravement du bonheur. D’autant plus en cette période de doute, de crise, parfois bien anxiogène.

pQu’on le veuille ou non on vit dans une société de consommation et l’on voit bien que, contrairement à ce que pubs, médias et industriels essaient de nous faire croire, l’accumulation de biens matériels ne fait pas notre bonheur (et encore moins celui de notre planète…), loin de là ! Nous nous sommes aussi éloignés des valeurs spirituelles souvent considérées comme suspectes, à tort ou à raison. Finalement où va-t-on dans ce grand labyrinthe de la Vie ?? Au moment des replis identitaires où l’on nous pousse à nous méfier de l’Autre, à voir en lui un danger plutôt qu’une richesse –diviser pour mieux régner–, il est temps de redonner du sens à nos vies dans le chaos de ce monde. Ce type de voyage peut être une occasion d’y voir un peu plus clair : une redécouverte de soi-même, de ses rêves, de la beauté simple de la nature, d’une réconciliation parfois nécessaire avec une partie de l’humanité à travers une solidarité retrouvée. Fuir les carcans et les diktats de notre société où le nomadisme n’a pas vraiment bonne presse. Réduire son existence à ses besoins essentiels : manger, boire, ne pas avoir trop froid, ou trop chaud, trouver un lieu sympa pour dormir ou se reposer, permet de prendre conscience de cet immense superflu qui nous entoure. Car comme le dit Tyler Durden dans « Fight Club » : « Les choses que l’on possède finissent par nous posséder ». Cela peut être le moment de faire le point, de prendre du recul, de rêver éveillé. On se retrouve dans notre condition d’Humain, tout petit devant la puissance de la nature, qu’elle déchaine ou pas ses éléments. La fragilité du voyageur nature peut se transformer en atout puisqu’elle nous pousse dans les bras de l’Autre et favorise la rencontre : un peu d’eau pour nos gourdes, l’hospitalité pour la nuit, un outil pour réparer notre matériel défectueux et au travers de tout ça et de beaucoup plus encore, cette chaleur humaine et cette générosité d’âme dont on a tant besoin …

Être non motorisé, c’est faire l’éloge de la lenteur dans ce monde où tout va vite, une belle alternative au speed, au stress quotidien et à la consommation effrénée d’hydrocarbures ! Trier ses déchets, manger bio, local et de saison, acheter son matos d’occasion, écumer les vide-greniers, les AMAPs (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), plutôt que la grande distribution, échanger, troquer, alléger sa consommation de viande, penser simplicité choisie, décroissance heureuse, tous ces efforts peuvent être réduits à néant par le simple achat d’un billet d’avion qui à lui seul fait exploser votre bilan carbone annuel. Les bagnoles, camions et autres camping-cars font voyager vite et par conséquent nous font rater, l’autre, le piéton, celui qui, spontanément, vous ouvre la porte. De plus la cabine du camion peut devenir une bulle où l’on se referme et reste entre soi. Prendre le temps, choyer sa mule ou son âne, ses pieds ou son vélo, voire son longboard (véridique) est une façon de mériter chaque kilomètre parcouru, de le devoir qu’à une énergie vivante et non pas fossile. C’est un respect pour Pachamama notre terre qui va vous émouvoir si souvent durant votre trip. On lui doit bien ça pour toutes les merveilles qu’elle nous offre.

photo : Morgane Lefèvre

 

Bon c’est parti ?... Allez viens on y va !

 

Un très grand merci à Morgane Lefèvre pour ses photos et son aide pour l'article !

Yoh del Campo


 

Et pour en savoir plus sur le voyage avec nos enfants vous pouvez passer voir notre blog :

http://delamontagneauxetoiles.wordpress.com
(les récits de notre balade sont dans les archives entre juin et octobre 2012)


 

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2 commentaires sur “Resistenza Moves : Voyage au long cours sans moyen motorisé

  1. Coucou!! merci pour cette petite rubrique! Je connais un peu le site de Rassoutex et ça m'a fait plaisir de lire un article sur eux. Ils me font plus que rêver!! Connais-tu d'autres voyageurs? je suis toujours en recherche...
    Je suis en ce moment même au milieu de mon voyage, un tour d'Europe avec mes deux chevaux qui tirent, tout d'abord un roulotte, puis maintenant un chariot... Et je tiens aussi un blog, moins assidument que l'année précédente, mais y poste pas mal de photos... Je te laisse découvrir si l'idée te dit! http://www.est-roulotte.over-blog.com
    Ici des amis voyageurs au départ je crois bien : http://unsabotdevantlautre.blogspot.fr/

    Merci beaucoup!! je vais découvrir ce site maintenant...
    Léna

    • Salut Lena,

      Tout d'abord un grand merci pour tes retours, ça me fait toujours plaisir. C'est vrai que Morgane et David sont attachants et que leur projet et le choix de vie qui en découle est de toute beauté, j'ai un très grand respect pour eux. Bosser sur cette interview a été pour moi un grand bonheur et la correspondance avec Morgane depuis plusieurs mois a été hyper enrichissante. Bravo à eux, peut-être bossera-t-on sur de nouveaux articles... Pour ce qui est d'autres voyageurs, il va y avoir très prochainement par ici l'article de Luka qui est parti faire un tour d'Islande en vélo pour faire des photos en argentique. Viendront ensuite des sujets sur le film "Le bonheur terre promise" avec une interview de Laurent Hasse. Superbe film sur un voyage tout simple à la recherche du bonheur. La BO par ici:
      http://www.youtube.com/watch?v=VEIkVyLr8OU
      On a aussi des potes qui ont bougé en famille et en roulotte (ça devrait te parler...) leur voyage est dans la rubrique voyage en famille en roulotte, sur ce blog:
      http://www.trekecrins.com/
      Je te remets aussi l'adresse de notre blog (l'itinérance en dans la rubrique: résumé des épisodes précédents sur la droite, entre juin et octobre 2012):
      http://delamontagneauxetoiles.wordpress.com/
      Tu as aussi le magasine papier "Carnets d'aventure" et leur site:
      http://www.expemag.com/
      Voilà tu as de quoi lire! D'autant que plusieurs articles sont à venir par ici... A suivre!
      En attendant je vais aller jeter un oeil attentif sur ton blog!
      Bonne route à toi!

      Salutations Unfamousiennes!...

      Yoh!

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