Pierre Rabhi, français d'origine Algérienne, né dans le Kenadsa en 1938, est un homme aux multiples facettes. Agriculteur de formation, pionnier de l'agriculture écologique et spécialisé dans l'agro-agriculture (n’hésitez pas à lire l'article de Yohan, le wwoofer de longue durée, sur le blog d'UR dans la section Unfamous Agricultura), il répand son savoir en Europe et en Afrique, en luttant contre la désertification, au travers de ses associations « Mouvement des Oasis en tous lieux » et « Terre & Humanisme ».
Comme vous vous en apercevrez, au delà d'être un technicien, il est un passionné, un écrivain et un philosophe qui replace l'homme au centre du débat.
« L'agroécologie est pour nous bien plus qu'une simple alternative agronomique. Elle est liée à une dimension profonde du respect de la vie et replace l'être humain dans sa responsabilité à l'égard du vivant ».
Pierre Rabhi, nous dresse, au travers de son livre « Conscience et Environnement » un constat amer de l'Homme. Son ouvrage se présente sous forme de correspondances. Il aborde différentes thématiques, où, l'« Homo-Economicus » est mis en cause, pour sa barbarie, son manque de conscience, sa capacité d'aveuglement collectif, sa dictature marchande, ou encore sa course folle vers le progrès scientifique… nous y reviendrons.
Lors d'une précédente chronique, Théodore Monod qualifiait notre rapport à la nature, d'une relation de maître à esclave. Pierre Rabhi poursuit l'analyse, et compare l'homme à un prédateur insatiable, qui transgresse et tyrannise impunément tous ceux qui l'entourent. La préservation de notre habitat, de nos écosystèmes, faut-il le rappeler, est essentielle au bon développement et à la survie de notre espèce. Il est bon d'ailleurs d'évoquer ces évidences qui peuvent parfois paraître simplistes, car la conscience collective se perd, elle peine à franchir sa condition individuelle, et en arrive à oublier l'essentiel. Même nos agissements les plus sordides sont oubliés en quelques jours, à l'image des médias qui nous abreuvent d'informations, jusqu'à écœurement, et qui d'un revers de main les renvoient aux oubliettes des faits anodins.
Extrait :
« Nos dérives sont si considérables que nous ne pouvons plus en percevoir ni la cruauté ni le cynisme, et encore moins le ridicule face à la majesté d'une réalité qui nous invite sans cesse à la liberté. »
L'auteur s'attarde longuement sur nos sociétés sécuritaires, certainement engendrées, nous dit-il, par l'angoisse qui embrume nos cœurs et nos esprits. La compétition permanente dont nous sommes abreuvés quotidiennement. En passant par la dictature marchande érigée en modèle, sinistre illusion qui nous est proposée comme seul horizon. Nos contradictions sont une fois de plus à l'ordre du jour :
Extrait :
« Je suis souvent frappé par la contradiction qu'il y a chez bon nombre de personnes, entre le désir d'une société conviviale et humaine (avec ses paysans, ses artisans, ses petits commerçants) et leur soumission quotidienne aux monopoles qui nient et détruisent cette convivialité par leur totalitarisme marchand. »
Une nouvelle fois, notre sécurité et notre confort individuel l'emportent sur nos consciences. Et pourtant, Sénèque, un philosophe romain, disait à son disciple Lucilius :
« La nature a donné à tous le fondement et le germe des vertus. »
Il est sûrement bien caché chez certains, mais j'ai quand même envie de croire que nous pouvons cultiver ce germe. Et qui sait, l'effet de groupe aidant, peut-être que certains suivront des exemples différents, un peu plus respectueux d'eux-mêmes et de la vie en général.
La mondialisation selon Rabhi :
Extrait :
« La pire des mondialisations est selon moi celle qui clone les esprits, les standardise et instaure une monoculture terriblement préjudiciable à l'évolution et à la pérennité. »
Certains y verront un parallèle avec Unfamous Resistenza, même si dans le cas présent il parle de monoculture au sens agricole du terme. Il poursuit sa description du « bipède omnipotent », au travers du progrès scientifique, et de sa course frénétique vers des idéaux mal définis.
Extrait :
« La civilisation moderne a préféré l'alliance avec la technoscience qui s'est finalement emparée du destin collectif. À côté de quelques avantages réservés à une minorité planétaire, il résulte de cette alliance bien des nuisances dont l'inventaire ne fait que commencer. »
Regarder les avancées de la Bio et la Nanotechnologie, prouesses scientifiques, mais à quel prix ?
La question de la gestion de nos ressources se pose également, et particulièrement celle de l'eau. Ce breuvage indispensable, profite à de très gros groupes comme Veolia, la Lyonnaise Des Eaux (Suez Environnement) et Nestlé, entre autres. Ils nous tiennent en otage et s'enrichissent en toute impunité sur ce bien universel, source de vie. On peut se demander légitimement : à quand une taxe pour payer l'air qu'on respire ?
Cette même eau, présente depuis environ 4,5 milliards d'années, bien avant l'émergence de l'homme (à peu près 200 000 ans) deviendra certainement le motif principal des guerres à venir.
Documentez-vous sur le contrôle que la Turquie opère sur le Tigre et l'Euphrate, les deux fleuves qui alimentent l'Irak, le retour de la guerre de l'eau en Mésopotamie est proche !
Extrait :
« En revanche, ce qui n'est jamais dit et ce qu'il aurait été essentiel et honnête de dire, c'est que la logique de la croissance indéfinie et de l'obligation de la croissance seront toujours incompatibles avec une gestion et un usage intelligent de nos ressources, qu'il est impossible d'instaurer la modération dans un climat de propagande publicitaire, de guerres économiques et de pillage institutionnalisé, que l'eau est une ressource gratuite que personne ne crée ni ne fabrique et que les monopoles ont usurpé honteusement. »
L'eau et l'écologie en général, montrent l'incapacité des pays à s'associer dans un but commun. Dans la vision du monde occidental, il y a trop à perdre, et rien à gagner, à court terme tout du moins. Chacun reste attaché à ses petits avantages. Nous repoussons sans cesse ce que nous savons déjà. Le sommet sur le climat de Copenhague en 2009 en est une parfaite illustration.
Extrait :
« Les cent dix ministres ont ainsi mis en évidence les évidences et regagné leurs offices respectifs en attendant une autre mise en évidence des évidences... »
Il évoque également d'autres sujets tels que :
Vivre pour travailler ou travailler pour vivre ?
Quand la nourriture, source de vie, devient risque de mort
Entre ventres vides et ventres pleins
Pour une éducation à la beauté et à la magie de la vie
...
Ses propos sont toujours clairs, sans détour, sans concession, nous forçant à voir ce que nous souhaitons annihiler et enfouir au plus profond de nos êtres. Attention, prenons garde, un jour notre aveuglement collectif se dissipera, toutes nos pensées resurgiront, et que découvrirons-nous ? Des hommes, un genou à terre, faisant face à un miroir, découvrant le reflet d'une insupportable réalité, que nous avons sans cesse alimentée.
Extrait :
« Avoir réduit notre planète vivante à une halte contingente, une « vallée de larmes » dans notre trajectoire vers le ciel, lieu de toutes les félicités selon les grandes croyances, a participé sans doute à l'incompréhensible sabordage que nous infligeons à l'unique vaisseau de certitudes qui s'offrent à notre destinée. »
Un peu misanthrope le gars me direz vous?
Certains diront réaliste...
Le constat que Pierre Rabhi fait est important, il ne faut pas se voiler la face, le monde occidental traverse une crise spirituelle où beaucoup de repères s’étiolent, où l'éthique se voit supplanter par une économie de marché incontrôlable, où la condition humaine rongée par le désir se renferme sur elle-même, au nom de son soit-disant profit. Mais des motifs d’espérances existent, et il serait dommage de ne pas s'en rendre compte. N'oublions pas que notre destin nous appartient.
Je clôturerais donc cette chronique sur une note positive, car je pense qu'il est primordial d'avoir de l'espoir. Dans cette époque sombre, la lumière est toujours là. Alors soyons vigilants à ne pas nous égarer dans la sinistrose ambiante.
Voici donc les quelques vers d'un homme, emprisonné injustement pour ses idées, 27 ans durant, qui trouva la force de nous dire :
« Aussi étroit que soit le chemin,
Bien qu'on m'accuse et qu'on me blâme ;
Je suis le maître de mon destin ;
Le capitaine de mon âme. »
— Nelson Mandela
See Ya !!
Philippe Vieilleden
sur la ferme de rabhi http://afis-ardeche.blogspot.fr/2012/09/humanisme-notre-visite-chez-des.html#more
sa refroidi un peu désoler
http://www.carnetdebord.antifa-net.fr/rabhi-lecogourou-sur-le-chemin-de-compostage/